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Les derniers poissons

Pour la Science N°311 - septembre 2003

Illustration : Jean Gaumy Magnum

La pêche épuise les ressources de poissons dans tous les océans. Si rien n'est fait, il ne nous restera plus qu'à manger des méduses et du ragoût de plancton.

Daniel Pauly • Reg Watson

Les pêcheurs doivent chercher le poisson de plus en plus loin des côtes et de plus en plus profondément, tant les ressources diminuent. Ce faisant, ils menacent encore plus les réserves halieutiques.

Daniel Pauly et Reg Watson étudient l'impact de la pêche sur les écosystèmes marins à l'Université de Colombie-Britannique, à Vancouver, au Canada.

Le banc Georges, une zone peu profonde de l'océan Atlantique au large de Boston, avait toujours regorgé de poissons. Des écrits du XVIIe siècle rapportent que les bateaux étaient souvent entourés d'énormes bancs de morues, de saumons, de bars rayés et d'esturgeons. Désormais, les chalutiers, qui traînent des filets de la taille de terrains de football, ratissent les fonds, collectant l'ensemble de l'écosystème, des poissons jusqu'aux éponges. Plus près de la surface, les palangres et les filets dérivants capturent les derniers requins, espadons et thons (les palangres sont de grosses lignes de fond pourvues de nombreux hameçons). Les prises de ces espèces, très recherchées, déclinent et les poissons remontés sont de plus en plus petits ; un grand nombre d'entre eux n'a même pas atteint l'âge adulte. Ce phénomène n'est pas limité à l'Atlantique Nord, mais concerne toutes les mers.

Beaucoup pensent, à tort, que la pollution est responsable du déclin des espèces marines. D'autres ne croient pas à la pénurie de poissons, car les étals des marchés regorgent toujours de thons ou de bars. Pourtant, la pêche commerciale fait des ravages dans les écosystèmes marins. En effet, nous avons rassemblé et analysé des données sur la pêche du monde entier, offrant ainsi la première vue d'ensemble de l'état des ressources halieutiques. Elle montre que nous ne pouvons plus considérer la mer comme une source inépuisable de richesses. Quelques pays, en particulier la Chine, avaient surévalué leurs prises, brouillant ainsi la tendance à la décroissance des prises observée partout dans le monde. Désormais, les pêcheurs doivent pêcher plus loin des côtes et à de plus grandes profondeurs pour maintenir les prises au niveau des années précédentes et satisfaire la demande croissante en poissons. La surpêche dans les réserves profondes entraîne l'épuisement des stocks (on nomme stock la ressource estimée d'une espèce dans une région donnée). Il n'est cependant pas trop tard pour mettre en œuvre une politique de préservation des réserves mondiales de pêche.

La loi de la mer

Auparavant, mise à part l'étroite bande côtière de trois milles marins (5,56 kilomètres), l'océan était à tous....

Sortir du blues ambiant : Atlantique Nord-Est. « Contrairement à une idée reçue, l'état de nos stocks de poissons s'améliore »

De meilleure facture et c’est gratuit... cet article de Février 2014

À l'écoute des bancs de poissons


Pour la Science N°436 - Février 2014

Comment préserver le fragile équilibre qui lie la ressource halieutique, le milieu aquatique et l'homme ? En précisant le comportement des poissons, au moyen notamment d'ondes acoustiques.

Jean Guillard et Anne Lebourges-Dhaussy

L'essentiel
- Les ondes acoustiques sont un moyen efficace pour étudier les poissons. Les sonars sont non invasifs et plus précis que d'autres techniques.
- Les chercheurs étudient le comportement des poissons et évaluent l'évolution des stocks.
- De nouveaux dispositifs acoustiques répertorient mieux les espèces et reconstruisent les bancs de poissons en trois dimensions.
- L'hydroacoustique est un outil polyvalent qui permet une étude globale de l'écosystème.
L'auteur

Jean GUILLARD est ingénieur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et directeur adjoint du Centre alpin de recherche sur les réseaux trophiques et écosystèmes limniques à Thonon-les-Bains.
Anne LEBOURGES-DHAUSSY est ingénieur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et directrice adjointe du Laboratoire des sciences de l'environnement marin à Plouzané.

Pour cette évaluation, nous examinerons comment l'hydroacoustique, qui consiste à émettre des sons sous l'eau et à recueillir les échos, a atteint une précision telle qu'il est aujourd'hui possible d'étudier le comportement des poissons et de reconstruire un banc en trois dimensions pour en suivre la dynamique et l'évolution. De surcroît, nous verrons que les spécialistes des ressources halieutiques ne s'intéressent plus seulement à la quantité des poissons qui ont un intérêt commercial, mais que leurs modèles prennent en compte les poissons dans leur environnement. Ces analyses écosystémiques incluent notamment les relations proies-prédateurs.

L'utilisation intensive des méthodes hydroacoustiques a commencé dès les années 1970, les chercheurs voulant obtenir des informations fiables sur l'abondance des poissons. Jusqu'alors on utilisait des méthodes classiques consistant à inventorier et observer les poissons d'après les statistiques de pêche. Mais cette pratique présente de nombreux biais ou des difficultés de mise en œuvre. En milieu lacustre et estuarien, on utilise des méthodes de capture passive (avec des filets verticaux statiques, nommés filets maillants) qui fournissent des estimations d'abondance relative et non une estimation du stock global. Selon la dimension des mailles, la taille des poissons capturés change. Et les petits poissons (de l'ordre de sept à huit centimètres) sont mal recensés, alors que leur rôle et leur impact sur le milieu sont importants. Les techniques de pêche actives, tels le chalut ou la senne (des filets qui encerclent les poissons de surface), fournissent des estimations d'abondance locales, mais les prélèvements doivent être répétés de nombreuses fois pour tenir compte de la répartition hétérogène des poissons. Les statistiques de pêche lorsque les prises sont déchargées à quai apportent une information sur les populations exploitées dans les zones de pêche, mais elles ne donnent pas une image globale des populations.


L'hydroacoustique n'est pas soumise à ces limites et, de surcroît, c'est une méthode non invasive. C'est ainsi qu'elle est devenue au cours des 40 dernières années un outil incontournable de l'étude de la ressource halieutique. En outre, cette méthode s'adapte à tous les milieux aquatiques. Elle peut être mise en place aussi bien en eaux douces peu profondes qu'en haute mer. La richesse des données acoustiques sur les répartitions spatiales et temporelles des poissons, ainsi que sur leur abondance, leurs comportements et sur l'environnement, fait désormais partie des programmes scientifiques et du suivi des milieux aquatiques.

Écouter dans l'eau

Ainsi, cette méthode apporte de précieuses informations. Elle n'est devenue efficace que récemment, même si les premières tentatives de détection du bruit sous-marin remontent à la fin du XVe siècle : Léonard de Vinci écoutait des bateaux éloignés en plongeant un tube dans l'eau et en collant son oreille à l'extrémité. Mais c'est surtout durant la Première Guerre mondiale que ces techniques utilisées pour repérer les sous-marins ont connu un développement important. En 1917, le physicien français Paul Langevin a notablement amélioré la technique en construisant une source sonore à partir de couches de matériau piézoélectrique (tel le quartz) confinées entre deux plaques de métal. La puissance de cette source sonore a alors permis de détecter pour la première fois en 1918 l'écho d'un sous-marin distant de plus de 1 500 mètres.

Rappelons qu'un cristal piézoélectrique produit une tension électrique lorsqu'il est soumis à une déformation mécanique et, inversement, soumis à une tension électrique, il se contracte ou se dilate. Ainsi, quand une tension alternative est appliquée, les plaques de métal qui enserrent le cristal vibrent. Au contact de l'eau, le dispositif, nommé sondeur, provoque des compressions et des dilatations du fluide. Ces perturbations se propagent dans le milieu sous forme d'ondes acoustiques. Ces dernières se transmettent d'autant mieux et plus vite dans un milieu que celui-ci est dense : les ondes se propagent donc lentement (à environ 300 mètres par seconde) dans l'air, plus rapidement dans l'eau de mer (à environ 1 500 mètres par seconde) et encore plus vite dans les milieux solides (jusqu'à plusieurs milliers de mètres par seconde). Quand elle rencontre un obstacle, l'onde est en partie réfléchie. Le dispositif récepteur est activé par l'écho et le signal est converti en une tension électrique mesurable. En pratique, le système hydroacoustique, ou sondeur, est utilisé alternativement comme émetteur et comme récepteur d'ondes acoustiques. Le temps mis par l'onde pour revenir au sondeur est lié à la distance de l'objet, qu'il s'agisse d'un sous-marin ou d'un poisson.
Premières applications halieutiques

En 1927, le navigateur français Raymond Rallier du Baty a utilisé un appareil acoustique pour observer des bancs de poissons en mer. Deux ans plus tard, le Japonais K. Kimura a repéré des grandes dorades nageant dans un bassin. En 1935, le Norvégien Oscar Sund a, en particulier, enregistré la répartition verticale de morues au large de la Norvège. L'industrie des pêches maritimes a alors commencé à s'intéresser à cette technique. Durant la Seconde Guerre mondiale, les sondeurs sont devenus plus puissants et précis, mais ils restaient encombrants et chers. Il fallut attendre la période d'après-guerre pour que les outils de détection acoustique deviennent plus accessibles.

À partir de 1963, le biologiste britannique David Cushing et d'autres ont suggéré que s'il était possible de localiser un poisson à l'aide d'un sondeur, on devait aussi pouvoir utiliser cette méthode de façon quantitative en comptant le nombre d'échos obtenus au cours d'une émission. C'était le début de l'évaluation acoustique de l'abondance des poissons. Il est aussi possible de mesurer l'intensité du signal au lieu de compter le nombre d'échos. On obtient alors une mesure de la densité de poisson, et donc de la biomasse. Cette méthode a l'avantage d'être applicable aussi bien aux poissons dispersés qu'aux bancs, ce que ne permet pas le seul comptage des échos.

D. Cushing a aussi étudié le phénomène de réflexion des ondes acoustiques sur les poissons. Les grands poissons produisent un signal plus élevé que les petits. Des relations de proportionnalité entre l'écho renvoyé par un poisson et sa taille ont été définies de façon expérimentale pour la plupart des espèces européennes depuis les années 1980. L'anatomie des poissons influe aussi sur le signal par l'intermédiaire de l'impédance acoustique. Celle-ci est, pour un milieu ou un matériau donné, le produit de la densité du milieu par la vitesse du son dans ce milieu. Et plus la différence (ou contraste) entre l'impédance de l'eau et celle du poisson est élevée, plus la réflexion est importante. Les tissus durs d'un poisson – os et arêtes – réfléchissent bien les ondes acoustiques. Mais la vessie natatoire, organe rempli d'air indispensable à la flottaison de nombreux poissons, offre un meilleur contraste. Tous les organismes ne sont pas pourvus de vessie mais ils peuvent néanmoins être détectés : zooplancton, méduses (quand elles sont rassemblées en colonies denses), etc.

Par ailleurs, la fréquence de l'onde émise par le sondeur influe sur ce qui est détecté. Elle est choisie en fonction de la portée de détection souhaitée et des organismes visés. En effet, la détection des poissons se fait en général avec des fréquences comprises entre 10 et 300 kilohertz. Mais des organismes plus petits sont quasiment invisibles à de telles fréquences. On utilise des fréquences plus élevées : entre 100 et 3 000 kilohertz pour détecter le plancton. Il faut aussi tenir compte du fait que les ondes de fréquences les plus élevées sont plus atténuées lors de leur propagation et ont donc une portée limitée (plusieurs kilomètres à 10 kilohertz, environ 100 mètres à 300 kilohertz, quelques mètres à 3 000 kilohertz). Pour interpréter les résultats d'un signal réfléchi, on applique des méthodes perfectionnées de traitement du signal.

Dès les années 1990, les chercheurs ont utilisé des sondeurs numériques, ce qui a facilité l'analyse du signal. Aujourd'hui, les sondeurs peuvent être couplés afin d'émettre de façon synchrone plusieurs ondes de fréquences différentes. La combinaison des informations qu'offre l'analyse multifréquentielle assure une meilleure classification des organismes détectés.

Les biologistes utilisent ces dispositifs pour étudier le comportement du poisson et ses interactions avec son environnement. Ils ont, par exemple, observé les différences de répartition des espèces entre le jour et la nuitou la présence de proies et de prédateurs dans les mêmes régions.

D'autres systèmes envoient plusieurs ondes simultanément pour augmenter la résolution spatiale – les systèmes multifaisceaux. Les chercheurs localisent mieux le poisson et déterminent la direction des déplacements. Le développement dans les années 1990 des techniques multifaisceaux a ouvert des perspectives intéressantes pour étudier le comportement des bancs de poissons. Dans de tels appareils, 60 dispositifs émettent des ondes, chacun ayant une largeur angulaire de 1,5 degré. Le dispositif sonde en continu une coupe perpendiculaire au bateau et sur un angle égal à 90 degrés. À mesure que le bateau avance, on obtient une succession de coupes qu'il est possible d'assembler pour reconstruire un volume, par exemple un banc de poissons. Cet outil est très utile pour étudier le comportement grégaire de certaines espèces.

La structure des bancs de poissons

La forme des bancs varie selon les espèces ou les différentes phases du cycle de vie ; pour une espèce, elle peut aussi varier selon les saisons et les aires géographiques. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la formation de tels bancs. Ces derniers auraient un rôle protecteur : la vigilance est accrue et le risque est réparti entre tous les poissons. La présence du groupe augmenterait aussi les chances de détecter des ressources alimentaires et de disposer d'un partenaire pour se reproduire. Enfin, le banc diminuerait l'effort à fournir pour nager, de même que les cyclistes dans un peloton sont protégés du vent et économisent de l'énergie.

Les espèces de poissons qui se constituent en bancs sont parmi les plus pêchées dans les océans. Par conséquent, la connaissance de la structure et de la dynamique de ces bancs est essentielle pour la gestion de la pêche, et serait même une des clefs de la conservation des stocks halieutiques. En effet, ce sont les interactions des bancs et des individus... Suite : Pour la Science

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Interdiction du chalutage profond : une occasion manquée

Développement durable - Halieutique

Pour la Science N°436 - février 2014

Le 10 décembre 2013, le Parlement européen a voté contre l’interdiction du chalutage profond, une pratique pourtant reconnue comme destructrice pour l’environnement.

Philippe Cury

L'auteur

Philippe Cury, directeur de recherche à l’IRD, dirige le Centre de recherche halieutique méditerranéenne et tropicale, à Sète.

Le chalutage profond consiste à remorquer un filet raclant les fonds marins situés à plus de 200 mètres de profondeur. Cette pratique s’est développée dans les années 1980, après l’appauvrissement des milieux côtiers dû à leur surexploitation. La quasi-totalité des 275 études scientifiques publiées sur le sujet ont conclu qu’elle a des impacts négatifs à long terme sur l’environnement.

Les filets du chalutage profond ramènent quantité de prises non désirées. Une estimation de certains scientifiques de l’IFREMER datée de 2010 stipule que pour trois poissons d’espèces commerciales ciblées, 144 sont rejetés, morts, à la mer. Les rejets moyens, évalués pour divers bateaux, varient de 20 à 50 pour cent (en poids ou en nombre) des organismes capturés. Ils coulent ensuite au fond de la mer et sont peu recyclés dans la chaîne alimentaire.

Ces rejets touchent particulièrement les coraux : en Tasmanie (île australienne), à la fin des années 1990, les chalutiers qui pêchaient l’hoplostèthe orange (Hoplostethus atlanticus, poisson plus connu sous le nom d’empereur) ramenaient 1,6 tonne de coraux à chaque levée du filet, soit 25 pour cent du poids total remonté. Et ces coraux anéantis sont...

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Le 21 Mai 2014

USA. Avec la fin de la surpêche, les stocks ne sont plus surpêchés, mais épuisés ou réduits...


En 2011, un éminent spécialiste étatsunien a annoncé la fin de la surpêche dans les eaux de son pays. On comprendra qu'un parlementaire veut maintenant remplacer « overfished » (surpêché) par « depleted » (épuisé, réduit). Derrière la bataille des mots se joue en fait la révision de l’approche scientifique et politique de la gestion des pêches. L’utilisation du terme surpêché pour qualifier un stock en mauvais état induit une explication unique et la responsabilité des pêcheurs dans la situation. Elle implique donc des mesures de contraintes seulement pour les pêcheurs. Mais dans les faits, un stock en mauvais état peut être lié à des modifications environnementales, une variabilité naturelle, un accroissement de la prédation naturelle, une pollution. Il ne s’agit pas de nier la surpêche mais de rechercher la multiplicité des causes possibles, ce qui implique des mesures bien plus complexes qui ne concernent plus seulement les pêcheurs.

Pour la première fois la fin de la surpêche aux Etats-Unis

Source : BE USA (2012)

Un éminent scientifique en halieutique a déclaré en début d'année la fin officielle de la surpêche dans les eaux américaines. Steve Murawski, qui occupait jusqu'à récemment le poste de directeur des programmes scientifiques au sein du département de la pêche de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), affirme que plus aucune espèce de poisson vivant dans les eaux territoriales américaines n'est surexploitée cette année, contre 37 espèces l'année dernière. D'après lui, il s'agit d'une première depuis 1900, date à laquelle remontent les archives. "Jusqu'à preuve du contraire, nous sommes revenus à des niveaux acceptables, il s'agit d'une étape [importante]," déclare Murawski.

La surpêche ne permet pas aux stocks de se reconstituer et de rester sains. L'espèce surexploitée voit le nombre de ses représentants diminuer jusqu'à son éventuelle disparition. Mettre un terme à la surpêche ne signifie cependant pas que tous les stocks de poisson soient sains, mais les scientifiques pensent qu'il s'agit d'une condition primordiale pour y parvenir. D'après Murawski, une règle d'or en matière de gestion des ressources halieutiques dit qu'une espèce est bien plus abondante lorsqu'elle est pêchée à un niveau adéquat. Ce niveau est évalué en prenant en compte plusieurs facteurs, tel que le cycle de vie d'une espèce, le rythme de reproduction ou le taux de mortalité au sein d'un environnement.

La loi établissant les quotas de pêche aux Etats-Unis, nommée Magnuson-Stevens Act [1], existe depuis 1976 ; cependant, c'est la loi de réattribution des crédits, signée en 2007 par le président Bush, qui ajoute une obligation de mettre un terme à la surpêche à la fin de la saison de pêche 2010 - laquelle se termine en 2011, à des dates différentes selon les régions. Murawski affirme que les Etats-Unis sont le seul pays au monde qui dispose d'une loi définissant la surpêche et exigeant des pêcheurs d'y mettre un terme. "Si l'on compare les Etats-Unis avec l'Union Européenne [ou] avec les pays asiatiques, nous sommes le seul pays pêcheur industrialisé qui ait réussi à mettre un terme à la surpêche." déclare-t'il.

Ces bons résultats viennent après que la Nouvelle-Angleterre ait mis en place un nouveau système de gestion qui répartit les pêcheurs par secteurs, en leur attribuant un quota annuel de pêche pour les poissons de fond comme la morue, le haddock ou le flet. Si les pêcheurs dépassent la limite autorisée pour une espèce, ils n'ont plus le droit de pêcher les autres espèces. Murawski souligne que la mise en place d'un système qui introduit des quotas de pêche stricts a eu un réel impact. Les changements introduits par la Nouvelle-Angleterre ont d'autant plus d'effet que près d'un tiers des espèces précédemment surexploitées vivent au large de ses côtes.

Cependant, l'impact économique des restrictions de la pêche est discuté, et ne fait pas l'unanimité. Murawski avance que la fin de la surpêche aura pour résultat des bancs de poissons en meilleure santé et une reconstitution des stocks, et donc un bénéfice à terme pour la communauté des pêcheurs de Nouvelle-Angleterre. D'autres estiment qu'il s'agit d'un coup dur pour ces pêcheurs qui souffrent déjà - la flotte de pêche, qui comptait encore 1200 navires au milieu des années 1990 n'en compte plus que 580 aujourd'hui. Pour Brian Rothschild, professeur en science et technologie maritime à l'Université du Massachussets à Dartmouth, il s'agit d'une "victoire à la Pyrrhus", alors que les autorités auraient pu rendre la loi plus flexible afin d'autoriser plus de pêche sans pour autant mettre en danger les stocks. En refusant de le faire, elles auraient alors inutilement empêché les pêcheurs de profiter des bancs sains. " [Le nouveau système de gestion des quotas] m'a ruiné" déplore Dave Marciano, 45 ans, pêcheur pendant trois décennies au large de Gloucester (Massachussets). "On aurait pu mettre fin à la surpêche en ayant plus de considération pour l'aspect humain de la pêche."

Pour Peter Shelley, avocat conseil à la Conservation Law Foundation, un groupe environnemental, les problèmes de l'industrie poissonnière sont à chercher du côté des années de surpêche, en particulier au cours des années 1980, et pas du côté de la loi. "C'était une bulle. Les pêcheurs ont vécu dans un monde déconnecté de la réalité, et [la surpêche] n'est pas quelque chose de durable." déclare-t'il. "La fin de la surpêche est un événement majeur [...] Je pense que nous allons commencer à voir apparaître les signes d'un futur prometteur."

Pour en savoir plus : BE USA (2012)

Surpêché ou épuisé ? Petits mots, grands effets !


En Avril 2014, dans sa chronique de World Fishing, le scientifique israélien, Menakhem BenYami, un dissident de la science halieutique dominante se félicite de la bataille qui se déroule au Congrès des Etats-Unis sur le changement d’un mot dans le Magnuson Act, qui définit la politique de gestion des pêches du pays. Un parlementaire veut remplacer «overfished » (surpêché) par « depleted » (épuisé, réduit). Derrière la bataille des mots se joue en fait la révision de l’approche scientifique et politique de la gestion des pêches. L’utilisation du terme surpêché pour qualifier un stock en mauvais état induit une explication unique et la responsabilité des pêcheurs dans la situation. Elle implique donc des mesures de contraintes seulement pour les pêcheurs. Mais dans les faits, un stock en mauvais état peut être lié à des modifications environnementales, une variabilité naturelle, un accroissement de la prédation naturelle, une pollution. Il ne s’agit pas de nier la surpêche mais de rechercher la multiplicité des causes possibles, ce qui implique des mesures bien plus complexes qui ne concernent plus seulement les pêcheurs.

Au-delà de la gestion d’un stock particulier avec les approches classiques de RMD, de Tac et Quotas par espèces, il faut engager une approche scientifique de l’écosystème beaucoup plus complexe et prendre en compte les incertitudes, la variabilité naturelle dans le temps et l’espace, le rôle des éléments extérieurs à la pêche, celui du climat, etc… Pour Menakhem Ben-Yami, qui plaide depuis longtemps pour une révision radicale des approches classiques de gestion fondées sur les modèles mathématiques, aussi bien aux Etats-Unis (à la NOAA) qu’en Europe, au CIEM, les scientifiques ont pris conscience de la nécessité de modifier leurs approches. La politique de gestion basée sur la seule estimation de la mortalité par pêche mène à des impasses. Les ONGE ont concentré leurs critiques sur la surpêche et les responsabilités des pêcheurs, en minimisant les autres facteurs, pour imposer leur pouvoir, avec l’appui de Jane Lubchenco (issue d’une ONGE ultra-libérale, Environmental Defense Fund). Elles vont devoir changer de discours, si elles veulent continuer à prétendre s’appuyer sur les analyses des scientifiques. Menahkem Ben-Yami cite un récent rapport de la NOAA qui présente les principaux facteurs affectant l’habitat, dans l’ordre suivant :
  • Pollution et qualité des eaux,
  • Modification et dégradation des fleuves et routes migratoires,
  • Fragmentation et pertes des habitats estuariens et des eaux peu profondes,
  • Impact de la pêche sur les habitats,
  • Variabilité et changement climatique,
  • Espèces invasives et déchets en mer,
  • Le bruit et le trafic maritime.

Pour la NOAA, l’approche écosystémique et environnementale va donc bien au-delà de la pêche. Dans cette approche, les pêcheurs peuvent jouer un rôle positif de sentinelles de la mer pour surveiller au jour le jour l’évolution du milieu, en lien avec les scientifiques. Les ONGE peuvent jouer un rôle d’alerte sans prétendre mettre les pêcheurs sous leur tutelle.

Source : L'Encre de Mer par Alain Le Sann – Mai 2014

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