Canada. Trois océans passés au crible d'un groupe d'experts

Canada. Trois océans passés au crible d'un groupe d'experts

« Le Canada est un pays maritime. Notre devise, A mari usque ad mare, signifie « d’une mer à l’autre ». Huit provinces sur dix et les trois territoires — ce qui inclut 86 % de la population canadienne — côtoient des océans. Ses côtes, qui s’étendent sur plus de 200.000 kilomètres, sont réputées être les plus longues au monde. Ses océans couvrent quelque sept millions de kilomètres carrés, soit 70 pour cent de sa masse continentale. Nous sommes une nation maritime. Mais nous manquons à nos responsabilités envers nos océans… »

Protection des océans : des experts dénoncent l'inaction du Canada

Le Canada néglige ses océans et leurs ressources à un tel point que la biodiversité marine est en péril, affirme un rapport publié jeudi par la Société royale du Canada.

Le pays, bordé de trois océans sur près de 200.000 kilomètres, protège bien mal sa biodiversité marine et ne joue pas son rôle de chef de file. C'est le constat auquel est arrivé un comité de 10 experts au terme de près de deux ans de travaux.

Réchauffement climatique, surpêche et aquaculture

Dans un rapport de plus de 300 pages, le comité argue que l'activité et, paradoxalement, l'inaction humaines sont responsables de la dégradation des océans. La surpêche, l'aquaculture et les réchauffements climatiques sont les principaux problèmes ciblés par les experts.

Les changements climatiques ont un impact majeur, a souligné le professeur Hutchings, président du groupe d'experts et détenteur de la Chaire de recherche du Canada en conservation marine et biodiversité à l'Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse. «Les océans deviennent de plus en plus acides, les eaux profondes perdent leur oxygène au point de devenir impropres à la vie marine dans certains secteurs des eaux canadiennes. La glace de mer disparaît peu à peu de l'Arctique et le long des côtes du Labrador, de Terre-Neuve et du golfe du Saint-Laurent. Tous ces changements affecteront profondément la vie aquatique et les écosystèmes qui l'abritent.»

La surpêche, pour sa part, a décimé les populations de plusieurs espèces et réduit leur diversité et perturbé la chaîne alimentaire.... Les experts notent, à titre d'exemple, que la réduction des stocks de morue équivaut, en biomasse, à la population entière du Canada. Or, la récolte annuelle de morue pourrait être 20 fois plus élevée (500 000 tonnes plutôt que les 25 000 tonnes enregistrées en 2008), si sa gestion était planifiée pour permettre de ramener les stocks à leur seuil maximal de récolte renouvelable.

Quant à l'aquaculture, elle génère d'importantes quantités de déchets organiques. Cette pratique encourage également l'échange de pathogènes entre espèces et les croisements entre les espèces sauvages et celles qui proviennent d'élevages.

« Il faudra des centaines d'années, voire davantage, pour renverser les changements climatiques et leurs effets », écrivent les experts. « Nous estimons, en revanche, que les conséquences des erreurs commises par les industries de la pêche et de l'aquaculture peuvent se réparer plus facilement si les efforts nécessaires sont consentis. »

Promesses non tenues

Les problèmes étant cernés, le comité de la Société royale du Canada a ensuite passé au peigne fin les engagements pris au fil des ans par le Canada afin de protéger la biodiversité des océans. Leur constat est cinglant.

« Le Canada a accompli peu de progrès tangibles relativement à son engagement à soutenir la biodiversité marine [...] Il n'a pas respecté plusieurs de ses engagements nationaux et internationaux. » — Société royale du Canada

Parmi les lacunes identifiées, notons entre autres un manque de planification dans la gestion des stocks de poissons et un grave retard dans la mise en place de zones marines protégées, des domaines où des pays comme les États-Unis et l'Australie font bien meilleure figure.

Conflit d'intérêts à Pêches et Océans ? (*)

Au terme de leur analyse, les experts formulent plusieurs recommandations, à commencer par une révision du mandat de Pêches et Océans Canada (*) qui, selon eux, fait davantage pour promouvoir l'industrie de la pêche que pour préserver la vie marine. Le double mandat du ministère le place en conflit d'intérêts, soutiennent-ils.

Ils réclament aussi une modernisation de la Loi sur les pêches, dénonçant au passage le pouvoir discrétionnaire absolu dont jouit le ministre des Pêches et Océans.

« La Loi sur les pêches accorde le pouvoir absolu au ministre de Pêches et Océans de prendre des décisions, sans directives scientifiques formelles ou cadre environnemental pour les guider. Cela laisse les questions de biodiversité importantes sujettes aux dictats de préoccupations politiques éphémères », affirment-ils.

(*) Ministère de la Pêche

Philippe Favrelière (à partir d'un article de Radio Canada)

Autre article :


Pour accéder au rapport de la Société Royale du Canada

Morceau choisi

Les Pêches et la biodiversité marine

Pratiquement tout engin de pêche perturbera l’habitat marin dans une certaine mesure. La façon dont les habitats réagissent dépend de leur sensibilité ainsi que du type et de l’intensité de la pêche. En général, les engins de pêche remorqués comme les chaluts et les dragues sont la principale cause de la destruction de l’habitat reliée à la pêche.

Toutefois, le premier passage d’un engin de pêche dans un habitat où il n’y a jamais eu de pêche auparavant a un impact plus grand que les passages subséquents. Ce fait est important, puisqu’il indique que le maintien relativement constant de la pêche dans certaines zones aura moins d’impact que le déplacement et la redistribution des pêches au fil du temps

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Le 9 mars 2012

Loi de modernisation de la pêche en France... Modernisation de la loi sur les pêches au Canada..

Pour certains spécialistes canadiens, la modernisation de la loi sur les pêches est l'occasion de relancer les grandes sociétés de pêche au dépend des pêcheurs indépendants. Notamment au Québec et dans les provinces atlantiques...

Marc Allain, expert-conseil en politiques des pêches, croit toutefois que les dirigeants de Pêches et Océans Canada veulent larguer le modèle du pêcheur indépendant, attaché à une communauté qui profite des retombées de ses captures. Les pêcheurs côtiers et semi-hauturiers débarquent 75 % des prises commerciales du Québec et des provinces atlantiques.

«Les pêcheurs indépendants détiennent la plupart des permis de crabe, de crevette et de homard. C'est là qu'est toute la valeur de nos pêcheries. Mais les industriels tentent d'accaparer ces permis. En Colombie-Britannique, ils ont laissé les compagnies mettre la main sur les permis de pêche : les effets ont été dévastateurs. Des communautés ont été vidées parce que les compagnies ont centralisé les prises en quelques endroits», note M. Allain.

Le modèle du pêcheur indépendant a été favorisé à la fin des années 1970, notamment en raison des effets dévastateurs de la surpêche réalisée dans le golfe Saint-Laurent par des compagnies de la Colombie Britannique, comme BC Packers, qui ont vidé les stocks de hareng. «On vit encore les conséquences de cette surpêche, 40 ans plus tard. Le stock de hareng de printemps ne s'en est jamais remis», précise M. Allain.

Depuis 35 ans, les permis de capture liés aux bateaux de 65 pieds et moins doivent être détenus par des pêcheurs indépendants. Les usines, à moins d'être détenues par des pêcheurs, ne peuvent posséder de permis de capture. Le ministre Ashfield propose de déposer les grandes lignes de la nouvelle Loi sur les pêches à la fin de 2012. Source : Modernisation de la loi sur les pêches: la période de consultation prolongée

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