Aires marines protégées : Une victoire des pêcheurs sénégalais

C’est une première au Sénégal et probablement en Afrique. C'est un exemple de gouvernance locale des réserves marines qui pourrait être transféré dans les pays du Nord.

Les pêcheurs de la communauté de Mangangoulak en Casamance vont pouvoir gérer et protéger de leur propre chef un territoire de pêche dans le cadre d’une aire de patrimoine (autochtone et) communautaire (APAC). « Les aires de patrimoine communautaire permettent aux communautés locales de reprendre en main leurs espaces naturels menacés. Elles constituent une alternative aux aires protégées établies et gérées par les États. »

L’autorisation officielle de création de l’aire de patrimoine autochtone et communautaire (APAC) a été signée le 1 juin 2010 par le gouverneur de la région de Ziguinchor (Casamance). Cette signature intervient quelques jours avant un évènement tragique : La mort d’un pêcheur sous le feu d’un éco-garde de la réserve naturelle des Îles de la Madeleine à quelques encablures de Dakar. Lire le commentaire du Comité des Pêches du Guilvinec (France) à ce sujet : Réserve marine : protection tragique au large de Dakar.

Qui a séjourné dans les contrées profondes de l’Afrique, et qui a côtoyé le quotidien plein de mystères des villageois africains, a remarqué que la culture sacrée survivait à l’épreuve du temps… moderne. Il s’agit par exemple d’un animal totem qu’il est interdit de tuer parce qu’il est lié soit à un ancêtre, soit à un génie. Il s’agit encore des espaces sacrés et réservés, des interdictions et des limitations temporaires ou pérennes d’usage de certaines espèces, des obligations sociales par rapport à l’extraction des ressources gérées par des règles communautaires,…

Les APAC, une reconnaissance de la gouvernance locale

C’est ainsi que des bouts de forêts, des mangroves, des lagunes et d’autres lieux sacrés ont survécu dans le cadre d’une gestion communautaire (ou coutumière) à la « rapacité » des forestiers et autres entrepreneurs arrivés le plus souvent de pays lointains….

Pourtant comme l’explique Dr. Grazia Borrini-Feyerabend, « la reconnaissance du bienfait de la gouvernance locale de la biodiversité et des aires protégées est un phénomène inexplicablement tardif et apparemment gênant pour plusieurs états, ONGs et experts de la conservation. D’une certaine façon, ni les états ni les experts ne semblent facilement « faire confiance » aux peuples autochtones et aux communautés locales en tant que décideurs et gestionnaires des ressources naturelles. »

Une démarche de conservation plus « capillaire », participative, équitable et efficace en environnement marin

Dr. Grazia Borrini-Feyerabend, Vice-présidente de la Commission des Politiques Environnementales, Economiques et Sociales de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), soutient concrètement ce type de gouvernance locale pour l’administration des aires marines protégées. Elle avait porté le projet de la communauté des pêcheurs de Mangangoulak en Casamance dans un rapport publié en juin 2009 : Engager les peuples autochtones et les communautés locales dans la gouvernance des aires protégées en environnement marin et côtier: options et opportunités en Afrique de l’Ouest.

Ce rapport « cherche à s’enraciner dans l’histoire pour explorer des options et des opportunités afin d’engager les peuples autochtones et les communautés locales dans la gouvernance des aires protégées (APs) en environnement marin côtier en Afrique de l’Ouest. Il identifie ainsi, à coté de la gouvernance partagée, les Aires du Patrimoine Communautaire (APACs) en tant que phénomène ayant un potentiel majeur de mise en marche d’une conservation plus «capillaire», participative, équitable et efficace en environnement marin côtier en Afrique de l’Ouest. » Philippe Favrelière (modifié le 10 septembre 2010)

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Photographie de Philippe Favrelière : Figure de proue dans le port de pêche de soumbédioune à Dakar

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