Poissons : trop de rejets en mer, de plus en plus de prêt à cuire !

Avant de partir sur le front européen, Michel Barnier propose que son successeur au Ministère de l’Agriculture et de la Pêche soit aussi le Ministre de la Consommation. Nous ne pouvons qu’appuyer cette idée qui permettra de renforcer le lien entre producteurs et consommateurs. N’en déplaise à certains acteurs de la filière de la pêche qui ne jouent vraiment pas le jeu en cette période de crise économique. Que des produits "frais" de la pêche côtière soient détruits comme nous l'avons vu au début de l'année, représente un véritable gâchis... pendant que les produits d'importation "décongelés" envahissent les étals !

Les organisations environnementales dénoncent à juste titre une autre source de gaspillage de la ressource, les prises accessoires liées au manque de sélectivité des engins de capture. Mais n'y a-t-il pas d'autres sources à combattre plus proches de nous en liaison avec nos modes de consommation ?

40% de la pêche serait gaspillée, selon le WWF

Un rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF) estime que 40% des animaux pêchés dans le monde sont des prises accessoires indésirables qui sont rejetées aussitôt par-dessus bord. Un beau gâchis qui aggrave le problème de surexploitation des ressources aquatiques.

« Peu d'industries toléreraient de tels niveaux de gaspillage et une gestion aussi peu durable d'une ressource naturelle », s'insurge le WWF dans son étude intitulée "Defining and estimating global fisheries bycatch". Les prises accessoires représenteraient 38 millions de tonnes de poissons par an et touchent également les autres espèces : reptiles (tortues), oiseaux (albatros) et mammifères (dauphins). Toujours selon le WWF, les méthodes de pêche actuelles causeraient chaque année la mort de 300 000 baleines, dauphins et marsouins. La plupart des 100 millions de requins tués par an seraient aussi des victimes collatérales de campagnes visant d'autres animaux.

Dans une autre étude « Royaume-Uni : le prix du poisson... dans l'Europe », l’Alliance Global Vision explique que la politique de l’Union Européenne a été catastrophique pour le secteur des pêches britanniques, notamment la politique des quotas qui pousse les pêcheurs a jeté des captures par-dessus bord : « 880 000 tonnes de poissons morts sont jetées dans la Mer du Nord chaque année. La morue, l'églefin et le merlan à eux seuls représentent jusqu'à 60 000 tonnes de poisson gaspillées et rejetées à la mer - assez pour approvisionner pendant deux ans et demi, Billingsgate Fish Market, le plus grand marché aux poissons du pays localisés au Sud-Est de Londres. »

Les prises accessoires sont donc le nouveau cheval de bataille des défenseurs de la mer. Mais ces militants sont aussi des consommateurs et probablement des consommateurs de produits de la mer.

Filets « Qualité Sans Arête » à éviter

Alors que les pêcheurs français s'efforcent d'améliorer la sélectivité de leurs engins de captures à l’image des langoustiniers du Golfe de Gascogne - en 2008 ils ont reçu une distinction internationale pour les efforts consentis dans la diminution des prises accessoires (Seafood Champions Awards au Seafood Summit 2008 à Boston) - les consommateurs sont quant à eux engagés dans des modèles de consommation qui engendrent des gaspillages dont l’intensité est comparable aux prises accessoires.

Jusque dans les années 70, les poissons étaient majoritairement vendus entiers et les arêtes finissaient dans la poubelle du consommateur. Mais la mode du prêt à cuire est passée par là : les poissons sont de plus en plus commercialisés en filets et panés, et de plus en filets « Qualité Sans Arêtes ». En fait, ces filets QSA représentent un véritable gaspillage de la ressource puisque près de 60 à 80% du poisson sont perdus et généralement passés par-dessus bord sur les navires-usines, ou terminent en farine et en huile dans les usines et ateliers de filetage à terre !

Le WWF propose un guide « Pour une pêche durable ?» qui ne nous semble pas du tout adapté à une consommation durable, n’ayant pas identifié cette évolution du comportement alimentaire toute aussi désastreuse pour la ressource halieutique que les prises accessoires !
Philippe FAVRELIERE

Informations complémentaires :
Même les coopératives de mareyage comme Coopéport en Normandie se sont mises à vendre des filets QSA au lieu de valoriser les produits frais entiers issus de la pêche côtière et de la petite pêche ! Voir : Coopéport Marée

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