Dans l'Océan Indien, pirates africains et bateaux étrangers à la pêche !

Des yéménites aujourd’hui, des taïwanais, grec, chinois, thaïlandais, les jours précédents... autant de bateaux de pêche piratés par les somaliens au cours de ces dernières semaines. Vu le nombre de bateaux arraisonnés en cette période de l’année cela doit être la haute saison de pêche dans l’Océan Indien. Plus prudents, les thoniers-senneurs espagnols et français ont demandé une protection rapprochée des forces de sécurité… La ruée vers les ressources halieutiques dans cette région du monde montre que les gains escomptés surpassent les dangers de piraterie !

Dans un article « Pêche : Un gisement d’emplois pour La Réunion et ses voisins », Risham Badroudine, journaliste à Témoignages dans l’île de la Réunion analyse la situation actuelle de la pêche mondiale : « En Europe, la filière pêche est touchée par une crise de surcapacité. Les pêcheurs sont actuellement en colère en France. Cette situation découle de la surexploitation des mers dans l’hémisphère Nord. En raison de la cote d’alerte atteinte par les réserves de pêche sur ces côtes, les flottilles se dirigent aujourd’hui de plus en plus vers d’autres zones, notamment vers la zone Sud de l’océan Indien. D’où la nécessité de mettre en œuvre une politique de co-développement dans notre région. »

« 95% de nos ressources halieutiques sont exploités par les flottilles venus d’Europe ou d’Asie »

Selon Risham Badroudine : « Dans notre région de l’océan Indien, où l’espace maritime est équivalent à celui de la mer Méditerranée, les flottilles des pays membres de la COI (Commission de l’Océan Indien) réalisent à peine 5% des prises, tandis que celles d’Europe et d’Asie exploitent à 95% nos ressources halieutiques. Par exemple, sur 10 millions de tonnes de captures chaque année, les pays de la zone n’ont prélevé que 230.000 tonnes. »

En effet, dans cette région du globe, les flottilles européennes et en particulier françaises sont très présentes. Les armements français composés principalement de thoniers-senneurs capturent une grande partie de la production halieutique nationale au large des côtes africaines, près de 150 000 tonnes de thon sur un total de 550 000 tonnes de captures annuelles toutes espèces confondues.

A cette flottille de thoniers s’ajoutent les pêcheries de crevette dans le canal du Mozambique basées à Madagascar qui représentent près de 10 000 tonnes annuelles plus la crevetticulture sur le territoire malgache. Sans compter les bateaux de pêche de complaisance comme au Sénégal…

Des Accords de Partenariat Economique contre les pêcheries locales !

Pour permettre aux pêcheries locales de se développer, Risham Badroudine fait la proposition : « Le secteur de la pêche est particulièrement indiqué pour mettre en œuvre une politique de co-développement dans notre région. Les pays de la COI doivent unir leurs efforts, leurs moyens, pour élaborer une véritable stratégie en matière de pêche. Le développement de la pêche côtière à travers notamment la multiplication des DCP (Dispositifs de Concentration de Poissons) est une autre piste. »

Ces propositions sont tout à fait respectables et vont dans le sens du développement économique des pays africains à partir de leurs propres ressources naturelles. Mais, elles risquent de n’être que des vœux pieux.

Actuellement, l’Union Européenne fait le forcing pour mettre en place les Accords de Partenariat Economique (APE) qui pour beaucoup ne vont pas dans le sens des pays africains. Les APE sont les nouveaux accords commerciaux entre l’UE et les pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP) en remplacement des accords de Cotonou, dans le prolongement de la politique de libre échange imposée par l’OMC.

Lors d’un atelier sur les APE organisé début mars par le Réseau pour la justice économique (EJN) à Johannesburg, en Afrique du Sud, plusieurs conférenciers étaient d’accord que les nouveaux accords feront plus de mal que de bien aux pays ACP. « Les accords de partenariat économique (APE) jetteront les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) davantage dans la pauvreté et affecteront négativement les moyens d’existence des personnes vivant dans ces pays. Ces accords commerciaux empêcheront les pays africains d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des Nations Unies.... Les APE sont en train d’être imposés par l’Europe à ses anciens territoires coloniaux au sein des pays ACP. Ces accords assembleront les économies de ces régions dans une zone de libre-échange avec l’Europe et donneront aux grandes entreprises européennes un monopole, qui est en lui-même anti-développement. »

« La libéralisation du secteur de la pêche conduira à la perte des moyens d’existence des pêcheurs tandis que la libéralisation des échanges commerciaux a des implications pour les petits commerçants dans le secteur informel. La baisse des recettes gouvernementales, du fait de la perte des frais de douane, affectera les dépenses du secteur social sur les services essentiels tels que la fourniture d’eau, la santé et l’éducation. »
Philippe FAVRELIERE ( à partir des articles d'IPS et de Témoignages)

Pour affrondir la question somalienne, lire les autres articles :
Documents de la Commission Européenne :
Informations complémentaires :

« L’Afrique de l’Ouest doit refuser l’ambition démesurée de l’Union Européenne pour la libéralisation commerciale » (Sud Quotidien) - le 27 juillet 2009
Les négociations sur l’Accord de partenariat économique (Ape) connaissent un nouveau rebondissement. Jusqu’à présent, les négociateurs Africains et ceux Européens n’ont eu aucune possibilité à s’entendre sur des principes. Pour cause, la partie Européenne impose à l’Afrique une libéralisation de son marché à 80% au détriment de 60% sans la moindre compensation des droits douaniers que réclament en retour les Etats Africains. Hier, lors d’un point de presse tenu au « Just 4 you » à Dakar, Cheikh Tidiane Dieye, Docteur en études du développement, par ailleurs coordonnateur du programme commerce à Enda Tiers monde, a invité les dirigeants Ouest Africains à refuser les ambitions Européennes affichées durant tout le processus des négociations.

Piriou met à l'eau le thonier-senneur Franche Terre (Mer et marine du 5 mars 2009)

Destiné à l'armement réunionnais SAPMER, le thonier-senneur Franche Terre a été mis à flot vendredi dernier chez Piriou, à Concarneau. Plus importante unité réalisée ces 35 dernières années par le chantier, ce très beau navire, long de 90 mètres, a été commandé en juillet 2007. Sa coque a d'abord été construite en Pologne, avant d'être remorquée en novembre dernier jusqu'en Bretagne pour être achevée. Après son lancement, les travaux, notamment, d'aménagement, se poursuivent à quai. A l'issue de ses essais en mer, le Franche Terre sera livré d'ici l'été.
Capable d'atteindre 17.5 noeuds grâce à une propulsion diesel-électrique (une ligne d'arbre et deux moteurs électriques), son équipage comprendra 38 personnes. Les capacités des cales seront de 1470 m3 et celles des cuves à thon de 500 m3. Le stockage du poisson à bord se fera de façon mixte en cuve de saumure à -20°C et/ou en cale à sec à - 40°C, selon la nature et la destination finale de la pêche.
Deux autres unités du même type ont été commandées. Elles ne seront pas livrées par Concarneau mais par le chantier vietnamien South East Asia Shipyard (SEAS), filiale à 100% de Piriou.

Qui sont les pirates ?
Des pêcheurs qui, au départ, prétendaient défendre leur gagne-pain, pillé par les flottilles européennes et asiatiques. Ils sont passés à l'enlèvement contre rançon, source de revenus confortables. La reconversion est facile, l'outillage abondant après dix-sept ans de guerre civile : grappins, kalachnikovs, lance-roquettes... En 2008, la piraterie a rapporté entre 50 et 100 millions d'euros. La filière s'est structurée : indics de Suez à Aden ; bateaux-mères, équipés de GPS, de téléphones satellitaires, d'où les assaillants lancent leurs canots rapides ; négociateurs de rançons à terre... Des régions entières en vivent. (Ouest France : Les pirates défient le commerce mondial)

Somalia : Getting tough on foreign vessels to save local fishermen (IRIN)
Somalie : Plus de sévérité à l’encontre des bateaux étrangers pour sauver les pêcheurs locaux
La Somalie a annulé les licences de pêche pour les navires étrangers et prépare une nouvelle loi pour réglementer la pêche dans ses eaux, a déclaré le Ministre des pêches à IRIN le 2 avril 2009. Cette décision fait suite aux plaintes des pêcheurs locaux sans moyens de subsistance, car ils n'ont pas d'équipements modernes et pas les moyens de remplacer les vieux filets, et ils ont été chassés par les navires étrangers. «Je soutiens les pêcheurs, et nous travaillons sur une nouvelle loi pour réglementer les activités de ces navires étrangers", a déclaré Abdirahman Ibbi, le Vice-Premier Ministre et Ministre des Pêches et des ressources marines dans le nouveau gouvernement d'unité nationale somalienne. Selon des estimations, 220 bateaux étrangers pêchaient illégalement dans les eaux somaliennes. La plupart étaient des navires européens…

Information ajoutée le 23 avril 2009 :

Les thoniers de l'UE demandent une protection contre les pirates somaliens

La flotte de thoniers de l'UE demande une protection après avoir été victime d'attaques de pirates somaliens dans les zones de pêche des Seychelles et au nord-est de Madagascar, a indiqué vendredi la Commission européenne. Le sujet sera discuté jeudi à la demande de l'Espagne lors d'une réunion prévue de longue date des ministres de la pêche de l'Union européenne à Luxembourg. "Nous allons voir ce qui peut être fait pour assurer sécurité et protection aux pêcheurs dans ces eaux", a assuré mercredi le commissaire européen en charge de la pêche, Joe Borg, à l'occasion de la présentation d'un document de réflexion pour réformer la Politique commune de la pêche des 27. "Nous n'avons pas d'accords de pêche avec la Somalie, ni avec les pays voisins", a-t-il toutefois précisé. "Aucun navire de l'UE ne pêche plus dans les eaux somaliennes", a précisé le directeur général de la pêche à la Commission européenne Cesar Deben. Mais la cinquantaine de thoniers des pays de l'UE qui pêche dans l'Océan indien, essentiellement des navires espagnols, y est toujours présente. "Ils demandent une extension de la zone de protection, car les pirates vont bien au delà des eaux somaliennes", a souligné M. Deben. "Nous avons découvert qu'ils utilisent des vaisseaux-mères (de gros navires qui en tirent d'autres plus petits) qui leurs permettent de mener des attaques à près de 200 miles de leurs côtes", a expliqué un expert. Les activités de pêche dans les eaux somaliennes devraient être l'une des sujets discutés jeudi à Bruxelles à l'occasion d'une conférence internationale des donateurs organisée pour rétablir la sécurité dans ce pays de la Corne de l'Afrique. Joe Borg a déclaré ne "pas savoir connaissance" d'activités de pêche menées illégalement par des navires de l'UE dans les eaux somaliennes, contrairement à ce qu'affirment des responsables somaliens. "Si des preuves nous sont fournies, nous ouvrirons une enquête", ont assuré ses collaborateurs. (Source : AFP)

Environ 250 millions de dollars promis à la Somalie

La communauté internationale a promis jeudi environ 250 millions de dollars à la Somalie, au cours d'une conférence de donateurs, pour aider à rétablir la sécurité sur son sol et contribuer ainsi à enrayer la piraterie en mer, a annoncé le commissaire européen Louis Michel. "Le montant tourne autour de 250 millions de dollars" en aides financières directes, "donc on est au moins à ce qui était espéré", a-t-il déclaré aux journalistes. "Mais il faut ajouter les contributions matérielles et logistiques, donc on est (au final) très nettement au-dessus de ce qu'on avait espéré", a-t-il ajouté. "L'objectif est atteint", a ajouté Louis Michel, commissaire chargé de l'aide au développement, "c'est un grand succès", a-t-il ajouté. Les fonds dégagés doivent permettre de soutenir le rétablissement de forces de sécurité et de police en Somalie, en guerre civile depuis 1991, et d'aider la mission de maintien de la paix de l'Union africaine (Amisom). (Source : AFP)

Information ajoutée le 25 avril 2009 :

Piraterie: l'Espagne autorise ses navires à employer des gardes privés

Le gouvernement espagnol a annoncé jeudi avoir autorisé les navires battant pavillon espagnol à employer des gardes de sécurité privés pour se protéger des attaques de pirates au large de la Somalie, un pas en direction des armateurs qui réclament plus de protection. "Employer une équipe de sécurité privée requiert l'autorisation du ministère de l'Intérieur", a déclaré un porte-parole du ministère de l'Intérieur. "En raison des conditions de sécurité dans la zone où ils naviguent", des armateurs "ont demandé cette autorisation au ministère", qui "les a autorisés à naviguer avec des équipes de sécurité privées à bord", a-t-il ajouté. Selon la radio privée Cadena Ser, un navire espagnol, le Teneo, a déjà reçu cette autorisation et voyage avec dix gardes de sécurité à son bord. Lundi, la ministre espagnole de la Défense, Carme Chacon, a annoncé lors d'une visite au Kenya que son pays allait renforcer la protection de sa flotte de pêche au thon au large des côtes somaliennes. Elle a indiqué que l'avion espagnol de patrouille maritime P-3 Orion, basé à Djibouti dans le cadre de l'opération aéronavale européenne "Atalante", de lutte contre les pirates somaliens, serait "temporairement basé" à Mombasa sur la côte kenyane, selon un communiqué de son ministère. Cette mesure répond aux souhaits des pêcheurs espagnols de l'Océan indien, qui réclamaient une extension de la zone couverte par l'opération anti-pirates de l'Union européenne (UE). L'opération "Atalante", déclenchée en décembre 2008, vise à protéger les navires du Programme alimentaire mondial (PAM) acheminant l'aide alimentaire aux populations déplacées de Somalie. L'Espagne en a pris le commandement en début d'année. En plus de la force européenne, les Etats-Unis, la Russie, l'Inde, la Turquie, la Chine et d'autres ont déployé des navires de guerre pour protéger des navires internationaux. Ces mesures n'ont toutefois pas découragé les pirates, qui ont au contraire multiplié leurs attaques depuis. Des pirates somaliens à la recherche de rançon ont attaqué plus de 130 navires marchands dans la région en 2008, soit trois fois plus que l'année d'avant, selon le Bureau maritime international. (Source : AFP)

Information ajoutée le 27 avril 2009 :

Un boomerang vers l’Occident (Politis)
La mort de jeunes pirates abattus par nos commandos d’élite nous apparaît comme la moindre des choses. Peut-on néanmoins essayer de comprendre ?
La région, décidément, est propice à la flibuste et à toutes sortes d’activités illicites. Mais, quand ce sont les nôtres qui se livrent à la contrebande et au trafic d’armes dans la Corne de l’Afrique, le mythe n’est jamais très loin. Rimbaud, en Abyssinie, et Henry de Monfreid, à bord de son boutre sur la mer Rouge ou dans le golfe d’Aden, nous font rêver. Les pauvres hères qui braquent leurs fusils (sans jamais en faire usage) contre des marins égarés ou imprudents ou inconscients deviennent immédiatement l’incarnation du mal absolu. Il n’est évidemment pas question ici de faire l’apologie de cette nouvelle piraterie. Mais, comme toujours, il y a, pour qui veut bien s’interroger, quelques causes rationnelles à rechercher. On ne naît pas plus pirate qu’on ne naît terroriste. Un des chefs du FLN algérien apostropha un jour ses futurs bourreaux français avec ces mots en forme de défi : « Donnez-moi vos avions de chasse et je vous donnerai mes explosifs. » On imagine que les pirates du golfe d’Aden, privés par la pollution de leur activité traditionnelle, la pêche, pourraient adresser quelque formule paradoxale du même style aux armateurs qu’ils tourmentent. Il n’est pas mauvais parfois de se livrer à cette gymnastique de base qui consiste à envisager le point de vue de l’autre. Non, nécessairement, pour l’adopter, ni même pour l’excuser, mais pour comprendre la complexité du monde. Les pirates d’Eil ou de Hobyo renvoient en boomerang aux puissants armateurs occidentaux qui croisent au large de la côte somalienne leur propre piraterie.
Ils appartiennent à un pays dont le taux de mortalité infantile est de 126 pour 1 000, où l’on meurt en moyenne à 46 ans, dont le taux d’analphabètes est de 50 % chez les hommes et 74 % chez les femmes, et dont le PIB par habitant est de 600 dollars (il est de 28 000 dollars en France). Doit-on s’étonner que ces gens dont, par ailleurs, des chalutiers occidentaux pillent les ressources au mépris de toutes les règles usent pour survivre de moyens désespérés ? Hélas, notre regard sur ces événements est dramatiquement borné. Au point que la mort de ces jeunes gens abattus par nos commandos d’élite nous apparaît comme la moindre des choses. (Denis Sieffert)
Voir à ce sujet l’article de Johann Hari, de The Independant du 13 avril sur le site de http://www.contreinfo.info/.

Le 30 mars 2010

La Réunion, « île-laboratoire » (Le Monde Diplomatique)
Dans l’océan Indien, la richesse de l’intégration
Département français d’outre-mer (DOM) et région européenne ultrapériphérique (RUP), l’île de La Réunion apparaît souvent comme une excroissance de la France et de l’Europe dans le sud-ouest de l’océan Indien, malgré une politique active de coopération et le souhait de faire de son intégration régionale un outil pour un co-développement durable.
Par Wilfrid Bertile

La coopération régionale est pourtant devenue une réalité et La Réunion elle-même y joue un rôle significatif. L’île agit en vertu de compétences spécifiques qu’elle tient de la loi d’orientation pour l’outre-mer de décembre 2000. Sur le plan européen, les conventions de Lomé et l’accord de Cotonou envisagent la coopération entre les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) (1) et les régions ultrapériphériques européennes (RUP). Celles-ci constituent des « frontières actives » de l’Union dans leurs régions respectives (2). Au plan international, la France-Réunion fait partie de la COI, est « observateur » auprès du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (en anglais, Comesa) (3) et partenaire de dialogue de l’Association de coopération régionale des pays riverains de l’océan Indien (IOR-ARC) (4)……

Mais cette insertion doit aussi être au service du développement durable des pays de la région. Sur le plan multilatéral, il s’agit de promouvoir le développement d’un espace régional. Les zones économiques exclusives des pays de la COI représentant deux fois la superficie de la mer Méditerranée, la France et l’Europe peuvent aider à la mise en œuvre d’une grande politique maritime régionale. Celle-ci peut comporter la lutte contre la piraterie et la pêche illégale, et aider les pays de la zone à se réapproprier leurs ressources halieutiques, alors que l’immense majorité des captures (97 %) effectuées dans l’océan Indien est le fait de pays non riverains.....

Le 31 mars 2010

La Réunion, « île-laboratoire » : Une voix singulière (Le Monde Diplomatique)
En ligne de mire, également, les immenses espaces maritimes (1). Certes, les Réunionnais ne sont pas pêcheurs : « Ils répugnent à regarder l’océan d’où surgissent les cyclones », écrivait Roger Vailland, au début des années 1960, surpris de n’apercevoir personne sur le front de mer, à Saint-Denis, sinon le dimanche. « Depuis quarante ans, je cherche à convaincre les gouvernements de l’importance de ces zones pour nourrir la nation », affirme M. Ibrahim Goulamaly, entrepreneur réunionnais qui se bat pour la défense des eaux françaises dans ces parages ; soutenant que « cultiver la mer est un art », il a monté une industrie de la crevette sous label bio au Mozambique (2), ce qui fait de lui le deuxième investisseur français dans ce pays après le pétrolier Total.

L’industriel attend beaucoup de la future station de réception satellite, destinée au contrôle de la pêche dans l’espace maritime exclusif français. Il rêve de monter une compagnie maritime régionale, à l’image de ce qu’est devenu Air Austral pour l’aérien ; et de relancer une université française de l’océan Indien, pour défendre une francophonie qui se réduit comme peau de chagrin, au moment où accourent dans la région les investisseurs chinois, canadiens, brésiliens.

(1) Les « ilôts épars » du canal du Mozambique et autour de Madagascar, bien que minuscules et inhabités, procurent à la France six cent quarante mille kilomètres carrés d’une zone d’exploitation exclusive (ZEE) riche en thon ; et les sept mille cinq cents kilomètres carrés de terres émergées des Kerguelen, Crozet, Amsterdam génèrent un million quatre cent mille kilomètres carrés « exclusifs ». Cf. Philippe Folliot et Xavier Louy, France-sur-Mer : un empire oublié, Editions du Rocher, Paris, 2009.

(2) Mozambique : Aquapesca, investisement français dans l’aquaculture bio
Site d’Anne-Marie Idrac ‘ Secrétaire d’Etat au Commerce Extérieur (25 mars 2010)
Je me suis rendue, le 12 mars dernier, au Mozambique. J’y ai signé avec le ministre des finances des accords financiers pour un total d’aide de l’AFD de 76 M d’euros, et constaté là comme ailleurs en Afrique non francophone une grande attente de France.
A cette occasion, je me suis rendue à 1 000 kilomètres au Nord de la capitale, Maputo, sur le site de Quelimane dans la province du Zambézie, pour y visiter Aquapesca, une ferme d’aquaculture spécialisée dans l’élevage de crevettes, investissement emblématique d’une entreprise de la Réunion.

Visite de l'entreprise Aquapesca
Aquapesca est une entreprise spécialisée dans la production de crevettes bio haut-de-gamme (« black tiger »), filiale du groupe réunionnais OCEINDE. Elle a débuté ses activités de production en 2005. Environ 40 millions d’euros ont été investis, constituant ainsi le principal investissement français au Mozambique, avec 350 ha de bassins, 5 laboratoires, 2 unités de désalinisation et 1 unité de surgélation de 15 tonnes par jour. L’activité de l’entreprise est exclusivement tournée vers l’exportation à destination de la France. (en 2009, l 580 tonnes de crevettes).
A terme, l’entreprise souhaite diversifier ses exportations vers d’autres pays européens et développer une production locale de crabes d’eau douce –avec des technologies nouvelles en cours de recherche.
Aquapesca représente un modèle parmi les entreprises locales, en matière environnementale et sociale : étude d’impact environnemental ; plantation de mangroves pour lutter contre l’érosion et assurer la filtration naturelle de l’eau dans les basins de sédimentation ; certification Bio ; bilan carbone (unique ferme électrifiée en énergie hydraulique de la région) ; emploi des femmes à l’encontre des pratiques locales (20% de l’effectif de 600 personnes) – j’ai noté que ces employées savent lire, ce qui est impératif pour assurer la traçabilité des lots de crevettes ; financement des études des salariés ; création d’un centre de formation aquacole à Quelimane ; dépistage, soin et suivi d’employés atteints du HIV-SIDA…
Encore une fois, la responsabilité sociale et environnementale est une marque de la France.

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