Enquête sur la sériole d’élevage d’Australie importée par Intermarché

Dans « Votre revue de presse économique du pays Boulonais », le 9 janvier 2009, un article numéroté 13178 serait passé inaperçu si le même jour je n’avais pas reçu « News from Monterey Bay Aquarium's Seafood Watch », une annonce consommateur du Monterey Bay Aquarium qui édite des guides sur les produits aquatiques aux USA.

Article 13178 : La sériole d'Australie accoste chez Intermarché
C'est une première : Intermarché propose de la sériole d'élevage depuis le mois de décembre sur ses étals. Elle vient d'Australie où elle est élevée en pleine mer. (Linéaires du 1/1/09)

News from Monterey Bay Aquarium's Seafood Watch : modifications dans la liste des poissons recommandés ou à éviter
Le Yellowtail (ndlr Sériole) d’élevage d’Australie ou du Japon a été ajouté sur la liste des poissons à éviter. La sériole appelée aussi hamachi sert à préparer les sushis. Le Japon et l’Australie en sont les principaux producteurs dans le monde. Ces deux pays prélèvent une grande quantité de produits halieutiques pour nourrir ces poissons d’élevage qui par ailleurs transmettent des maladies aux populations sauvages, ce qui est inacceptable.

Par contre, le Yellowtail d’élevage des USA a été rajouté comme une bonne alternative. La sériole est élevée avec beaucoup de précautions environnementales aux USA plus que nulle part au monde. Le seul élevage américain se trouve à Hawaï. C’est une coopérative qui a signé un protocole avec l’Etat pour diminuer les impacts sur l’environnement marin comme l’utilisation d’aliments alternatifs pour baisser l’apport de farine et d’huile de poisson. De plus, les fermes sont localisées en haute mer dans des zones à fort courant afin de diminuer les risques de pollution sur les fonds marins. C’est pourquoi nous recommandons plutôt la sériole américaine que la japonaise ou l’australienne.

Menons l’enquête sur la sériole d’élevage qui pose problème aux USA

En France, aucune information sur cette espèce, pas même sur le site d’Intermarché, l’importateur et le distributeur de la sériole d’élevage d’Australie. Une espèce de sériole est pêchée en Méditerranée.

C’est au Japon dans les années 1950 que la pisciculture marine a débuté à une grande échelle. Bien avant la Norvège avec son saumon, le japon élève la sériole et la daurade à partir d’alevins pêchés en mer. Actuellement, le Japon produit près de 150 000 tonnes de sérioles et 80 000 tonnes de daurades (L’aquiculture au Japon).

En Australie, l’élevage de sériole est récent. Cette production en progression constante dépasserait les 5000 tonnes en 2009. Cette élevage vient après les piscicultures d’engraissement de thon rouge et les salmonicultures. Google est là pour nous aider dans notre enquête : "Australia Yellowtail Intermarché". Et que trouve-t-on ? Une société « Clean Seas Tuna » se prévaut d’exporter son Yellowtail Kingfish (ndlr sériole) d’élevage dans le plus grand réseau de supermarchés en France après la signature d’un accord commercial entre le pisciculteur et le distributeur en novembre 2008.
Selon AdelaïdeNow du 18/11/08 : "Le président, Hagan Stehr, lors de l'assemblée générale ordinaire (de Clean Seas Tuna) d'aujourd'hui à Adelaïde, a annoncé l’envoi par avion de deux tonnes de Kingfish en France qui seront distribuées dans 250 magasins (d’Intermarché), dès la semaine prochaine... Le poisson a été sorti des cages de Clean Seas situées dans la baie d'Arno jeudi pour prendre l'avion vers la France où il sera disponible sur les étals aujourd'hui (ndrl lundi)... Ce test est décisif pour l'avenir de notre société."

Les contraintes et les limites de l’élevage de sériole

  1. En comparaison avec les autres espèces marines comme la daurade et le bar, la reproduction artificielle de la sériole reste problématique. Au Japon, l’élevage est toujours basé sur le prélèvement d’alevins dans le milieu naturel, alors qu’en Australie, les juvéniles de sériole, Yellowtail Kingfish (seriola lalandi), sont produits, non sans problèmes, dans deux écloseries avant leur grossissement dans des cages en mer, installées dans le golfe de Spencer non loin de la ville de Port Lincoln au Sud de l’Australie.
  2. En tant qu’espèce carnivore, la sériole nécessite une nourriture riche en protéines animales (riche en farine et huile de poisson). Au Japon, les éleveurs leur donnent aussi du poisson frais. Cet élevage de sériole, comme les autres piscicultures d’espèces carnivores (saumon, bar, daurade, turbot, …), n’est donc pas une alternative à la diminution des ressources halieutiques en mer. Ce type de pisciculture contribue plutôt à surexploiter les stocks et à détourner une partie des captures pour nourrir directement des populations. Actuellement près de 15% des captures mondiales de poissons sauvages servent à nourrir d’autres poissons en élevage ; dans un rapport de 15 tonnes de poissons sauvages pour produire 4 tonnes de poissons d’élevage.

La sériole américaine est-elle vraiment « meilleure » que ses cousines australiennes et japonaises comme le prétend Monterey Bay Aquarium ?

La seule entreprise américaine à élever la sériole est Kona Blue Water Farms à Hawaii :

  • L’américaine est produite en écloserie comme sa cousine australienne,
  • Elle est carnivore comme les 2 autres,
  • La seule différence est la technologie d’élevage en mer. A Hawaii, les pisciculteurs utilisent des cages submersibles installées au large (comme sur la vidéo), contrairement aux piscicultures marines traditionnelles qui utilisent des cages flottantes installées à l’abri près des côtes.

Jugez vous-mêmes !

Pour conclure : Est-il raisonnable d’importer en France des poissons élevés aux antipodes puis transportés par avion sur plus de 17 000 km pour être livrés frais sur les étals. Quelle est l’empreinte carbone de ce poisson qui plus est carnivore ?
Philippe FAVRELIERE

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Image : Wikipedia

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