Consultation du public : les dés ne sont-ils pas pipés ?


Consultation publique de l'Aquaculture Stewardship Council (ASC) sur l’alimentation aquacole durable

Les citoyens sont régulièrement amenés à donner leur avis sur des sujets les plus divers lors de consultations "internet" ouvertes à tout le monde... Des consultations organisées par la puissance publique ou par des organisations privées telles que des ONGE... Croissance bleue, éolien offshore, gouvernance des océans, gestion des pêcheries et aquaculture durable sont des thématiques qui font de plus en plus souvent l’objet de ce type de consultation publique...

L’objectif des consultations du public serait de « recourir, préalablement à l’adoption d’un acte réglementaire, à la consultation sur Internet des personnes... » afin de mieux orienter des décisions après avoir recueilli les différents points de vue des particuliers, associations, entreprises...

Derrière une façade démocratique, les règles qui régissent ces consultations, sont-elles objectives ? Les citoyens ont-ils tous les éléments en main pour répondre en toute objectivité et dans l’intérêt général ? Les dés ne seraient-ils pas pipés ?

Réponses en prenant deux consultations en cours :

Les manœuvres informationnelles sur la gouvernance des océans



La Commission européenne a lancé le 4 juin dernier une consultation publique sur la gouvernance des océans ouverte jusqu’au 15 septembre 2015. Cette démarche couvre les dernières avancées sur la question du Blue Charity Business ainsi que sur la question de la financiarisation et de la privatisation des océans. Le cadre/justificatif immédiat concerne la problématique de la Haute Mer, mais le débat peut être élargi éventuellement à un champ de réflexion plus large. A Bruxelles, les lobbyistes des trusts caritatifs nord-américains sont notamment à la manœuvre pour conforter leur place comme ‘influenceur’ non désintéressé de la gouvernance des océans.

Une telle consultation mérite une réponse des opérateurs historiques qui vivent ou agissent sur les océans.

L’expert français Yan Giron nous alerte aussi sur le fait qu’il se profile une manœuvre internationale visant à limiter la réalisation des opérations/spéculations financières sous couvert de rémunération des services éco systémiques des océans. En effet, parmi les menaces identifiées, la question de la privatisation des espaces maritimes n’est pas dissociable d’un risque de privatisation des droits de pêche. Et ce dernier point pourrait bien prendre une importance inattendue dans l’avenir (dans le calcul de valeurs de droit d’accès à l’espace ou aux ressources maritimes par exemple). Des organismes bancaires et de la haute finance “déterritorialisée” suivent de très près ce sujet, souvent en partenariat avec les trusts caritatifs américains. Cela pourrait se traduire par exemple par la création de mécanisme de type REDD+ (prévus pour les forêts et les compensations carbones), appliqués aux océans.

Source : knowckers.org (30 juin 2015)

L’ASC consulte sur l’alimentation aquacole durable

Illustration : Portail ASC : Responsible aquaculture

La pêche minotière est une pêcherie parmi les plus controversées dans le monde. En outre, cette pêcherie qui se distingue par la capture d’espèces sauvages en vue de leur transformation en farine et en huile de poisson, est l’une des plus « juteuses » depuis le développement de l’aquaculture intensive et tout particulièrement de la salmoniculture (qui exige des huiles de qualité dans la composition des aliments pour saumon...)

Avec l’appui d’un comité de pilotage (voir la liste des membres plus bas), l’Aquaculture Stewardship Council, émanation de l’Onge WWF, ouvre une première consultation auprès du public du 30 juin au 11 septembre 2015. L’Aquaculture Stewardship Council souhaite créer un standard « aliment aquacole responsable » afin de pouvoir certifier les producteurs d’aliments, dans le cadre d’une démarche globale d’écolabellisation de la filière piscicole depuis les pêcheries minotières jusqu’aux élevages piscicoles en passant par l’industrie de la nutrition aquacole...

Comité de pilotage équilibré ?

Le comité de pilotage est composé de 15 membres. L’Aquaculture Stewardship Council précise que la composition actuelle respecte l’équilibre entre l’industrie et les autres : 50% des voix pour l'industrie / 50% des voix pour la « non-industrie »...

Liste des membres du comité de pilotage : 
  1. Albert Tacon (Aquatic Farms) (Ind)
  2. Ally Dingwall (Sainsbury's) (Ind)
  3. Andrew Jackson (IFFO) (Ind)
  4. Blake Lee-Harwood (Sustainable Fisheries Partnership) (Ind)
  5. Dawn Purchase (Marine Conservation Society)
  6. Eduardo Goycoolea (Blumar Seafoods/GSI Partner) (Ind)
  7. Karl Tore Maeland (Cermaq) (Ind)
  8. Liu Yi-Sung (Grobest Vietnam) (Ind)
  9. Johan Verburg (Oxfam Novib)
  10. Michael Tlustly (New England Aquarium)
  11. Niels Alsted (Biomar) (Ind)
  12. Piers Hart (WWF-UK)
  13. Tor Eirik Homme (Grieg Seafood/GSI Partner) (Ind)
  14. Trygve Berg-Lea (Skretting Group) (Ind)
  15. Pichaiyut Tachapong (CP Thailand) (Ind)

Membres précédents du comité de pilotage :

Or il se révèle que la parité entre les représentants de l'industrie et le reste des membres, n’existe pas dans ce comité de pilotage qui donne la part belle à l’industrie salmonicole... D’autre part, les membres des organisations « hors industrie » ne sont pas représentatifs à l'exception d'Oxfam... Aucune organisation de la pêche artisanale parmi les membres ! Le World Fish Center était la seule organisation qui aurait pu défendre le secteur artisanal !

Cette consultation de l'ASC a pour objectif de renforcer la filière minotière

Pêches mondiales. Concentration croissante autour de 13 multinationales



Un groupe de treize sociétés contrôlent de 19% à 40% des stocks de poissons les plus importants et les plus stratégiques ce qui représente entre 11% et 16% des captures marines mondiales, selon une étude parue en mai 2015 dans Plos One : Transnational Corporations as ‘Keystone Actors’ in Marine Ecosystems.

L'influence de ces acteurs «clés» dans la production des produits aquatiques ne cessent de grandir ;  ils orientent l'avenir de l’exploitation des ressources halieutiques à l’échelle mondiale... Parmi ces 13 groupes, 8 sociétés sont impliquées dans l'industrie minotière, en tant que pêcherie, producteur d'aliment aquacole ou/et aquaculteur/pisciculteur...


Précision : Skretting, leader mondial de l'alimentation piscicole, appartient au groupe hollandais Nutreco qui est convoité depuis plusieurs années par l'étatsunien Cargill, N°1 mondial de l'agro-alimentaire....

Philippe Favrelière

Point sur la pêche minotière

Malgré une chute de la production (effet El Nino), il semblerait que les pêcheries minotières se renforcent actuellement. Au Pérou, plusieurs conserveries à vocation alimentaire humaine viennent de fermer : dans FIS (23 juin 2015) : Five canning and frozen product plants close (Avec de la farine de poisson à plus de 2000 $ la tonne, les profits sont bien plus importants dans la pêche minotière)...



D'autre part, le marché mondial de l'huile de poisson est en pleine croissance, en liaison avec le développement des élevages de salmonidés (saumon et truite) : Fish Oil Market in Asia Pacific Will Reach $1.5 Billion by 2020

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