Tsunami en Inde : les séquelles d’une tragédie

Inde : départ pour la pêche hauturière (photo Alain Le Sann)

10 ans après le tsunami qui a ravagé les côtes en Inde du Sud, particulièrement celles du Tamil Nadu, c’est l’occasion de revenir sur les conséquences des aides reçues par les villages de pêcheurs et les mutations positives et négatives qui ont touché les communautés.

La Croix Rouge indienne note de nombreux changements positifs qui résultent en partie de son action, comme l’amélioration des conditions de travail des femmes de pêcheurs. Elles disposent maintenant de plates-formes pour la vente et la transformation du poisson, de meilleurs équipements pour le transport, la conservation (1).  Leurs organisations se sont renforcées. Le mouvement coopératif s’est consolidé avec le développement de SIFFS. Les reconstructions de certains villages ont permis d’améliorer l’habitat avec quelques réussites spectaculaires comme à Tharangambadi, où la reconstruction a été pilotée par SIFFS (2).

Beaucoup de dons et un effort de pêche accru...


On pourrait aussi se réjouir d’un accroissement spectaculaire des captures, de plus de 60%, de 2004 à 2011 ; 392 000 T en 2004 et 631 000 T en 2011, pour le Tamil Nadu. Mais ce succès a ses revers et suscite beaucoup d’inquiétudes pour l’avenir des villages de pêcheurs. En effet, le tsunami a entraîné un afflux de dons de toutes origines, publiques et privées, nationales et internationales. Ces dons n’ont pas tenu compte des réalités de la mer et de ses limites. Le nombre de bateaux et d’engins de pêche s’est accru considérablement. Le plus inquiétant est la multiplication de bateaux puissants, comme des senneurs de 24 mètres avec 60 hommes d’équipage, accompagnés de plusieurs bateaux en fibre de verre pour la collecte des énormes captures de pélagiques. Un bateau de ce type, d’occasion, a coûté 2,5 millions de roupies. Des pêcheurs se sont groupés pour en acheter avec l’argent reçu du gouvernement. Beaucoup de ces bateaux se trouvent à Devinapattinam, un village de Cuddalore, qui compte 130 sennes de ce type. Ces senneurs pêchent à 3 heures de route, au large. Ils réalisent des captures qui peuvent atteindre 1 million de roupies, chaque jour. Les poissons sont transportés sur des bateaux en fibre de verre qui accompagnent le senneur (3).

Cependant, ces bateaux ne sont pas officiellement enregistrés, pas plus que leurs captures. Ils pêchent donc illégalement. Des procès ont été engagés contre eux, ils ont été condamnés, mais les pêcheurs ont saccagé les bureaux du service des pêches. Il n’y a donc aucun contrôle de ces bateaux qui risquent de mettre en péril les ressources ; on en constate déjà des signes. Au début, ils utilisaient de toutes petites mailles, des filets de type moustiquaire ; après avoir constaté un déclin des ressources, les mailles ont été augmentées. Le problème posé par ces bateaux très performants est l’absence de régulation et la compétition pour les ressources avec les petits bateaux côtiers. Beaucoup espéraient que le tsunami avait permis d’assainir la situation en éliminant bon nombre de chalutiers en surnombre, mais l’arrivée massive de ces senneurs engendre à nouveau une surcapacité, un effet classique de subventions excessives mal contrôlées. Il est important de développer une pêche hauturière pour soulager la pression sur la bande côtière, mais il est nécessaire de conserver son caractère artisanal et de contrôler son développement. Ainsi on a pu constater l’essor d’une pêche thonière hauturière. La ville de Lorient et le Collectif Pêche & Développement ont soutenu financièrement la construction d’un bateau artisan expérimental, adapté à ce type de pêche. L’avenir de la pêche artisanale, côtière ou hauturière, passe par la maîtrise collective de son développement par les organisations de pêcheurs.

Alain Le Sann 
Décembre 2014

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