Japon. Renaissance de l’Huître : Effet Fukushima ou Effet Tsunami ?

Renaissance de l’Huître : Effet Fukushima ou Effet Tsunami ?

10 mois après le tsunami du 11 mars 2011, les débris à la dérive sur l’océan ont traversé le Pacifique ; ils s’échouent maintenant sur les plages américaines. Pendant ce temps, les ostréiculteurs les moins touchés du Tōhoku vendent leurs premières huîtres avec 1 an d’avance !

Sur une plage de Seattle dans l’Etat de Washington, un flotteur d'un mètre de long porte le nom d'un ostréiculteur japonais « Yuuki Watanabe ». C’est le dirigeant d’une coopérative de pêche de la préfecture de Miyagi. « J'aimerais que les bouées nous soient restituées », a déclaré Watanabe après avoir examiné attentivement une photo, « elles correspondent exactement au type de flotteurs couramment utilisé dans l’ostréiculture de la région de Miyagi. »

1 milliard d'euros de dégâts dans l'aquaculture...

En effet, le tsunami a anéanti les élevages et les producteurs manquent cruellement de matériel pour relancer leurs activités aquacoles. En septembre 2011, le ministère de l’agriculture et de la pêche donnait un dernier bilan officiel des dégâts. Sur un total de plus de 10 milliards d’euros pour l’ensemble de la filière pêche, l'aquaculture avec les stocks en élevage et les équipements/matériels en mer représentait près d’un milliard d’euros (embarcations et infrastructures portuaires non compris).

Avant le tsunami, la région du Tōhoku produisait plus de 80.000 tonnes de coquillages chaque année, principalement des huîtres et des pétoncles japonais…. Les préfectures de Miyagi et d’Iwate se classaient respectivement aux 3e et 4e rangs de la production d’huîtres au Japon. Après la catastrophe, les conchyliculteurs doivent repartir de zéro. En octobre 2011, les coopératives de pêcheurs évaluaient la production d’huîtres et de pétoncles à seulement 10% d'une année normale, en basant leur estimation sur les installations d’élevage encore en état et les stocks de coquillages survivants.

Mais, c’était sans compter la « pousse » exceptionnelle des coquillages…

Effet Fukushima !

De petites huîtres d'un à deux centimètres mises en élevage à partir de juin 2011 atteignent aujourd’hui plus de 10 cm de longueur. Sous le poids des huîtres, les radeaux d’élevage menacent même de couler ! Du jamais vu ! Les ostréiculteurs de la baie de Kesennuma ont donc récolté le 19 janvier 2012 leurs premières huîtres de l’après tsunami (sachant qu’elles sont les survivantes du captage de l’été 2010).

« Inquiétant » diront certains, que ces huîtres deux fois plus grosses qu’à la normale ! des huîtres qui auraient du être commercialisées à la fin de l’année. A quelques 200 km, la centrale nucléaire de Fukushima ne serait-elle pas l’explication de cette croissance suspecte ? Etrangement, le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche ne donne pas d’analyses récentes sur la radioactivité des huîtres de Miyagi.

Cependant, les algues récoltées depuis novembre ne sont pas irradiées. Pas la moindre trace de césium et d’iode radioactifs dans les « feuilles » de Nori (Porphyra yezoensis) cultivé sur ces mêmes côtes de la Préfecture de Miyagi selon les données mises en ligne par l’administration, cliquer Ici.

Effet Tsunami…

Habituellement, il faut compter plus de deux ans pour atteindre cette taille d’huître. Du fait du tsunami, les ostréiculteurs de Kesennuma pensent que « les prédateurs (ou compétiteurs ndlr) habituels de l’huître sont morts » et que « l’azote contenu dans la terre et qui sert à la croissance des huîtres a augmenté. »

Une explication. Lors du tsunami, les ressources en coquillages et les stocks en élevage ont été décimés. Le peu de coquillages survivants bénéficie d’une richesse planctonique abondante, ce qui explique la « pousse » exceptionnelle des coquillages.

Au début des années 1970, les ostréiculteurs français avaient connu le même phénomène. Après la mortalité massive des huîtres portugaises suite à une épizootie, les huîtres japonaises importées dans le cadre du plan Resur étaient commercialisables au bout de deux ans dans le bassin de Marennes-Oléron (alors que maintenant l’élevage s’étend sur 3 à 4 ans).

« Après le tsunami, beaucoup de gens ont été privés. Cette croissance exceptionnelle, c’est le symbole de la renaissance et beaucoup veulent manger ces huîtres, » a dit Hatakeyama (*), cet ostréiculteur qui plante des arbres autour de Kesennuma pour que l’eau de la baie soit plus fertile…

(*) Hatakeyama avait reçu une délégation d’ostréiculteurs français avant le tsunami. Coordinateur de l’Association de Préservation de la Forêt Huîtrière (Oyster Forest Care Association), il fait partie des prétendants au prix international de la forêt remis par l’Onu en février 2012.

Philippe Favrelière (à partir de l'article : First batch of Japanese tsunami debris reaches the U.S. et celui de Fukushima diary : Oyster in North Japan grow as double as average

Autres articles :

Photographie de Philippe Favrelière : Ostréiculteur de la baie de Matsushima (Miyagi) avec 2 collecteurs de naissain d'huître "cordée de coquilles saint-jacques" (décembre 1987). Les larves d'huître se fixent sur les coquilles de saint-jacques pendant l'été.... Au printemps, les coquilles couvertes de naissain sont individualisées et fixées dans les torons d'une corde pour l'élevage en suspension sur des filières ou des radeaux.

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