Chili : Les indignés de la génération « saumon »

Chili : Les indignés de la génération « saumon »

Ces jeunes étudiants en colère dans les rues de Santiago du Chili, ces Indignados chiliens, n’ont pas connu le socialisme de Salvador Allende ni la dictature d’Augusto Pinochet. Ils sont de la génération « saumon » qui a débuté à la fin des années 1980 avec l’ouverture de l'économie du Chili aux investissements étrangers. Les résultats économiques du pays se sont améliorés sans pour autant combler les inégalités sociales creusées pendant la junte militaire (1). Des inégalités sociales considérées parmi les pires d'Amérique du sud.

Les indignés chiliens veulent en finir avec cette économie libérale qui dépouille leur pays de ses ressources naturelles, diversifiées et abondantes notamment du côté mer. Cette économie "livrée" aux capitaux étrangers ne leur apporte rien de bon en matière d’éducation, de santé et de bien-être…

Ces jeunes chiliens sont de la génération « saumon ». En moins de 30 ans, le saumon est devenu la troisième source de devises du pays après le cuivre et les produits forestiers. Plus de 2 milliards $ d’exportation en 2008 pour une production nationale de salmonidés qui est passée de quelques dizaines de tonnes en 1980 à près de 700.000 tonnes en 2008.

Nés en plein boom de la salmoniculture, ces étudiants chiliens ne voient pas dans le saumon une réussite, un repas festif ou la vigueur d’un poisson plongeant dans les eaux limpides d’un fjord. Ce saumon exotique importé de l’hémisphère nord signifie pour eux : accaparement de la mer par des multinationales, pollution de l’environnement marin, droits des travailleurs bafoués,…


Bastamag : Qui sont ces dizaines de milliers de manifestants ?

Nous observons des pancartes contre les Centrales hydroélectriques et thermoélectriques à charbon, contre les exploitations minières, contre la salmoniculture, contre la privatisation des semences et l’introduction des OGM, etc. Ceci répond plutôt à un ras-le-bol généralisé du modèle de développement imposé depuis la dictature de Pinochet et ratifié par les gouvernements civils qui lui ont succédé. Un modèle basé sur l’extraction et l’exploitation des ressources naturelles, pour le seul profit de quelques-uns. On nous dit : « il faut générer de l’énergie pour atteindre un certain niveau de croissance, pour devenir un pays développé ».

Rivages privatisés

Qu’est-ce que ce modèle de développement a provoqué ? Nous trouvons par exemple qu’aussi bien à Aysén, à San Antonio qu’à Iquique, les pêcheurs artisanaux et leurs familles sont appauvris et connaissent des problèmes psycho-bio-sociaux, à cause de l’essor de la pêche industrielle qui — avec les bateaux-usines — s’emparent de toutes les ressources de la mer, détruisant en même temps les fonds marins.

Des « laissés pour compte » qui n’ont pas de sécurité sociale, souvent pas d’hôpital à proximité, des écoles sans ressources et des jeunes attrapés par la drogue et la délinquance. À San Antonio, le chômage s’élève à 14,2% depuis que le port a été donné par l’État à l’Entreprise portuaire de San Antonio, privatisant tout le bord côtier de la commune…. Au Sud du pays, d’autres « oubliés du Chili centralisé » ont été dupés par l’industrie du saumon. Avec des capitaux norvégiens, espagnols, hollandais et chiliens, cette industrie a dévasté les écosystèmes marins, polluant de vastes superficies et faisant faillite définitivement en 2008….

Oligarchie politique et financière : Basta !

Les intérêts des uns et des autres convergent : les autorités sont bénéficiaires des « aides » des entreprises. La Concertation (coalition des partis au pouvoir de 1990 à 2010) a, par exemple fait toutes ses campagnes grâce au soutien du groupe Luksic. En contrepartie, sous les mandats de la Concertation, les principales fortunes chiliennes ont augmenté. En 2003, Luksic a gagné 3000 millions de pesos chiliens par jour (6 millions de dollars) dans le secteur minier et de la banque, Matte 2800 millions de pesos par jour (5,9 millions de dollars) dans le secteur forestier, et Angelini 2200 millions de pesos par jour (environ 4,6 millions de dollars) dans l’industrie de la pêche et forestière. En 2007, à la mort d’Anacleto Angelini, sa fortune personnelle atteignait 6 milliards de dollars, la plus grande fortune du Chili. En 2011, Luksic a acheté la chaîne de télévision commerciale « canal 13 » qui appartenait à l’Église Catholique, ce qui transforme le groupe en une holding parmi les plus grands et les plus puissants. Le rôle des médias est connu dans la manipulation de l’information et la domination de la population. Ce n’est pas pour rien que Piñera était propriétaire d’une chaîne commerciale avant d’être président… Avec sa façon de faire de la politique, sans détours et sans scrupules, il a poussé aujourd’hui une grande partie de la population chilienne à dire : Basta !

Pour beaucoup, c’est la destruction de la Patagonie qui les motive à sortir dans la rue, car il s’agit d’une réserve naturelle d’eau douce pour la planète. Mais HidroAysén n’est pas seulement la construction de cinq barrages, ce projet dépend aussi de l’approbation d’un deuxième projet pour transporter l’énergie produite, ce qui signifie la construction d’une ligne de transmission avec des tours de haute tension qui traverseraient 9 régions du pays. Alors les Chiliens se demandent : a-t-on besoin de toute cette énergie ? Et la réponse est simple : non, on ne veut plus offrir les biens communs de tous les Chiliens aux riches du monde, ni que la population assume les coûts de ce qu’ils appellent « le progrès ». Il faut investir dans des énergies renouvelables, mais il faut surtout changer ce modèle dévastateur. 


Autres articles :

(1) A partir de l’année 1973, la politique économique ultra-libérale des Chicago boys est mise en pratique pour la première fois dans le monde au Chili. Coup d’Etat du 11 septembre 1973. Fin de la première démocratie socialiste avec la mort de Salvador Allende. Arrivée du dictateur Augusto Pinochet. Entourée d’économistes formés à l’Université de Chicago et influencés par Milton Friedman et Arnold Harberger, la junte militaire impose leur doctrine économique grâce à la terreur exercée par le régime.

Cette situation a permis de mettre en place d'importantes réformes économiques structurelles néolibérales qui débouchèrent selon certains sur le miracle chilien. Un mythe pour d’autres puis que pendant près de 15 ans, les coupes drastiques dans les budgets sociaux et le programme de privatisations massives provoquent une hausse importante des inégalités. Si les classes aisées ont ainsi bénéficié de l'expansion économique, ce fut moins le cas des classes populaires. Ainsi, entre 1974 et 1989, les revenus des 10 % des ménages chiliens les plus riches ont augmenté 28 fois plus vite que les 10 % des ménages chiliens les plus pauvres. (Wikipedia)

A la fin de la dictature en 1990, tout le monde espérait avec le retour de la démocratie, de meilleures conditions de vie. Cependant, les gouvernements successifs du pays (Patricia Aylwin, Eduardo Frei, Ricardo Lagos, Michelle Bachelet et Sebastián Piñera) ont ouvert l'économie du Chili aux investissements étrangers, en multipliant les accords du système de libre échange avec les États-Unis, l'Union européenne, la Chine et le Japon. L'ensemble des résultats économiques se sont améliorés sans combler les inégalités sociales considérées parmi les pires d'Amérique du sud. Le plus grave est le dépouillement des ressources naturelles dont le pays bénéficie avantageusement, notamment du côté de la mer.

Photographie prise en décembre 1989 dans les rues de Santiago du Chili au moment de l'élection du premier président de l'après Pinochet, Patricio Aylwin (Philippe Favrelière)

))))))))))))))))))))))))))))))

Revue de presse

Le 15 octobre 2011


De Madrid à Athènes, en passant par New York, Bruxelles et Paris : toutes les capitales occidentales ont vu naître ces derniers mois des mouvements de protestation de populations qui expriment leur crainte d’un "no future". Née le 15 mai à la Puerta del Sol de Madrid, la mobilisation a rapidement trouvé écho en Grèce en juin, sur la Place Syntagma avec le Mouvement des 700 (baptisé ainsi en référence au salaire mensuel minimum). Il s’est ensuite répandu, tout au long de l’été et de façon sporadique, dans plusieurs capitales du monde. Dernière en date : Occupy Wall Street, le campement installé le 17 septembre dans le Zuccotti Park, rebaptisé "Liberty Plaza", près de la Bourse à New York.

Cinq mois après la naissance du mouvement, les indignés ont manifesté, ce samedi, dans le monde entier. Avec pour mot d’ordre "United for Globalchange" (Ensemble pour un changement global), ils espèrent donner une portée internationale à cette forme de contestation inédite. "Pour nous, le moment est venu de nous unir, pour eux, le moment est venu de nous écouter. Peuples du monde entier, levez-vous !" proclame ainsi le site United for Global Change. "Nous ne sommes pas des marchandises entre les mains des politiciens et des banquiers qui ne nous représentent pas. Nous allons manifester pacifiquement, débattre et nous organiser jusqu’à obtenir le changement mondial que nous voulons". Selon le site 15october.net, qui recense tous les rassemblements prévus, 951 villes de 82 pays sont concernées. Ci-dessous, découvrez le clip vidéo réalisé par le site 15october.net à l’occasion de cette journée de mobilisation :

Un samedi de manifestations

A Melbourne, en Australie, où était donné le coup d’envoi de cette journée de mobilisation mondiale, un millier de personnes se sont réunies sur une place du centre-ville. "Les gens veulent une démocratie véritable, ils ne veulent pas que les grandes entreprises influencent leurs représentants politiques. Ils veulent que ces derniers soient comptables de leurs actes. Ils veulent être bien représentés", a dit Nick Carson, porte-parole de OccupyMelbourne.org :

Au pays de Stéphane Hessel, auteur d’Indignez-vous (3,5 millions d’exemplaires), qui a donné son nom au mouvement à travers le monde, la mobilisation est restée jusqu’ici limitée et les cortèges restaient peu fournis samedi. Les indignés étaient environ 500 à Grenoble, selon les organisateurs, mais ils n’étaient qu’une centaine à Marseille où ils se sont regroupés sur la place du général De Gaulle, à proximité de la chambre de commerce. A Nantes, une centaine de personnes se sont rassemblées sur la place Royale, une zone piétonne du centre-ville sur laquelle quatre banques ont installé des succursales. "Je suis ici pour pointer les incohérences du système", explique Géraldine, une salariée du secteur socio-culturel, qui a revêtu la robe blanche et le bonnet phrygien rouge de Marianne, figure de la République française. "On nous demande d’aller voter pour des choses qui sont déjà décidées. Or, la République, c’est nous, pas le type qui a fait l’ENA !", ajoute-t-elle. Les indignés peinent toutefois à attirer les foules en France. Des chercheurs expliquent ce phénomène par le fait que le chômage des jeunes est moins massif qu’en Espagne, par exemple, et que le mouvement syndical canalise déjà les revendications pour en savoir plus lire l’article de LIBÉRATION en cliquant ici. (Les indignés français ont créé une communauté sur Facebook, pour y accéder cliquez ici). Suite cdurable.info


^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^

17 avril 2012

La production de saumon d'élevage est repartie dans le monde...

Le Chili a surmonté la maladie de l'anémie infectieuse du saumon (ISA) en diminuant les densités d'élevage et en déplaçant les cages plus au sud du pays, dans les fjords de la Patagonie chilienne... En 2012, le Chili mise sur une production de près de 600.000 tonnes de salmonidés (saumon atlantique, saumon coho et truite arc-en-ciel). D'après un dossier sur les produits de la mer en Amérique du Sud de la revue Produits de la Mer, cliquer PdM n°132 d'avril-mai 2012....


 ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^

Chili : Progrès vers les OMD et demande sociale non satisfaite

Source : Social Watch

 30 janvier 2013

Chili reste le pays latino-américain avec la meilleure performance en termes de réalisation des buts des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), selon le Réseau Gouvernemental Millénaire. Malgré ce niveau de réalisation, dont le rapport estime à environ un tiers de celui fixé comme objectif pour 2015, l'agitation sociale profonde manifestée massivement dans les rues par la société chilienne dans les deux dernières années par rapport à l'état l'éducation et de la santé publiques, la déprédation de l'environnement par les grandes entreprises et, surtout, l'approfondissement évident du fossé des inégalités, soulèvent des questions sur ce que cela signifie dans la pratique.

À notre avis, l'échec des politiques et des programmes gouvernementaux pour s'attaquer aux problèmes de fond qui empêchent d'atteindre une société plus juste relativise les réussites dans la réalisation des objectifs des OMD et il fait qu'elles semblent encore insuffisantes.

Le manque d'accès égalitaire à l'éducation publique gratuite et de qualité, à un système de santé public qui assure des soins en temps à toutes les personnes, des emplois et des salaires décents, le manque de participation effective des citoyens aux processus d'évaluation des projets environnementaux font tous partie d'un modèle de développement qui n'est pas centré sur les personnes et leurs droits, mais sur la croissance économique et l'exploitation des ressources naturelles.

Cela se produit dans un contexte mondial où le principal défi pour l'avenir consiste justement à faire des progrès substantiels de la réalisation des objectifs des OMD vers l'éradication de la pauvreté et au-delà, dans le sens d'un développement socialement juste et écologique et économiquement durable.

En proposant un cadre de développement différent, la société civile a un allié dans la campagne mondiale "Beyond 2015" (« Au-delà de 2015 »), notant que « ce n'est pas possible d'assurer que les OMD seront atteints pleinement et il est estimé que, malgré le développement atteint dans certains secteurs, en 2015, une personne sur cinq vivra encore avec des revenus inférieurs à 1,25 dollar par jour ».

^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^

Le 6 Décembre 2014

Le Panda et le saumon : la face sombre du WWF

Wilfried Huismann, Pandaleaks : The Dark Side of the WWF, éd Nordbook, Bremen, 2014, 260p

En 2012, le journaliste allemand Wilfried Huismann a publié son enquête sur le WWF en Allemagne et elle a eu un grand retentissement. Il nous donne maintenant une version en anglais, complétée et revue. Il a rencontré des dirigeants du WWF, quand ils ont accepté de le recevoir et de répondre à ses questions, et il a aussi reçu de nombreux témoignages d’anciens membres de l’organisation -ou actuels- sur le malaise que suscitent en son sein les liens étroits qu’entretient le WWF avec les grandes multinationales, y compris celles qui sont considérées comme les plus grands pollueurs et destructeurs de l’environnement. Il ne met pas en cause la sincérité des salariés de l’ONGE, et il reconnaît que le travail de terrain peut être respectable,  il constate simplement que les plus hautes instances du WWF négocient avec de grandes sociétés multinationales et les contestent de moins en moins, au point de couvrir et même de favoriser l’expansion de pratiques inacceptables. Il analyse ainsi les rapports avec Coca Cola, les liens avec les défenseurs de l’apartheid, avec Monsanto et les grands producteurs d’huile de palme et de soja. Il confronte les intentions affichées par le WWF avec les réalités sur le terrain. Or, toutes les enquêtes de terrain menées par W Huismann montrent que les entreprises liées au WWF ne respectent pas leurs engagements, pourtant bien limités. Malgré ces constats alarmants, le WWF continue d’assurer qu’il contribue à l’amélioration des pratiques de ces grandes sociétés, en Afrique, au Mexique, au Brésil, en Argentine, en Inde et en Indonésie. L’enquête montre qu’elles poursuivent la déforestation, la destruction des sols, des ressources en eau. Elles sacrifient des communautés indigènes et paysannes et le WWF soutient cette politique, malgré ses engagements en faveur des droits des indigènes . Loin de contribuer à la protection de la nature et des populations qui en vivent, selon W Huismann, le WWF couvre les turpitudes et les pratiques scandaleuses des sociétés qui le financent. Pire, il permet ainsi à ces multinationales d’étendre leurs activités destructrices, comme en Indonésie, au Chili ou en Argentine.

Le WWF et le roi du saumon

L’entreprise norvégienne Marine Harvest réalise près du quart (plus de 400 000t en 2014) de la production mondiale de saumon d’élevage. L’ensemble des entreprises norvégiennes contrôle 90% de cette production et John Fredriksen, propriétaire de Marine Harvest, est considéré comme le roi du saumon. Son entreprise produit du saumon en Norvège, en Ecosse, au Chili et elle le transforme dans plusieurs pays d’Europe et d’Asie. Avec 10 000 employés dans 23 pays, elle est le leader de la « révolution bleue ». En 2008, le WWF a signé un accord de partenariat avec Marine Harvest pour promouvoir l’aquaculture durable suivant les canons de la certification ASC (Aquaculture Stewardship Council), conçue sous l’égide du WWF et lancée officiellement en 2009.

Carte extraite de l'article de Global magazine : L'or rose en chute libre

Cette même année, le Chili a connu un désastre dans ses fermes aquacoles, le virus ISA (Anémie Infectieuse du Saumon), apparu en 2007, a touché une grande partie des élevages, entraînant la mort de millions de saumons, du nord au sud du pays. Cette crise jette une lumière crue sur les pratiques des entreprises aquacoles du Chili. Marine Harvest, en Norvège, subit des contrôles et chaque année, les concessions peuvent être retirées ; l’usage des antibiotiques est réduit et souvent absent, la densité des élevages est nettement plus faible qu’au Chili. Il en résulte que l’épidémie a été maîtrisée en Norvège alors qu’elle ne le fut pas du tout au Chili . L’ISA n’est pas la seule maladie, sur 478 élevages, 420 sont infestés de poux et les saumons sont touchés par une vingtaine de maladies. L’usage des antibiotiques est hors contrôle, 800 fois plus élevé qu’en Norvège et même 36 000 fois, selon un biologiste chilien . L’environnement marin est sacrifié, les fonds marins sous les cages sont en état d’anoxie (sans oxygène), les saumons échappés des cages ont modifié les espèces locales et la biodiversité. Les ressources qui faisaient vivre les pêcheurs sont détruites et n’offrent plus d’alternative aux employés des élevages et des ateliers de transformation qui se retrouvent sans emploi et sans revenu. La pêche chilienne se trouve sous la dépendance des industriels du saumon à qui les pêcheurs fournissent les poissons pour la farine et l’aliment : « Nous ne sommes que des esclaves des multinationales, il ne reste plus de pêcheurs indépendants au Chili » déclare un patron pêcheur à Wilfried Huismann. Le gouvernement a favorisé une véritable mafia du saumon, sans contrôle. Les dirigeants de Marine Harvest reconnaissent leurs erreurs face à cette catastrophe, mais ils l’ont organisée, par appât du gain, et n’ont nullement respecté les règles imposées en Norvège. Malgré ces responsabilités évidentes, en 2011, le WWF a signé un accord de partenariat avec cette entreprise, au nom de progrès futurs. Le WWF vient de recevoir, en novembre 2014, d’importantes subventions de la part des grandes entreprises chiliennes pour accompagner le « verdissement » de l’aquaculture et sa labellisation ASC. Pour l’ONG Ecoceanaos, ce partenariat, c’est l’annonce d’une catastrophe et l’extension des zones d’élevage .  En l’absence de règles contraignantes fixées et contrôlées par l’Etat, les entreprises feront ce qu’elles voudront en cherchant, peut-être, à éviter la catastrophe dans leurs nouvelles implantations. Ce n’est pas le WWF qui les dénoncera si elles continuent de dégrader l’environnement, tant il est lié à leurs financements. Le WWF apporte plutôt une caution verte à des entreprises déconsidérées par leur comportement et leur mépris de l’environnement et des droits sociaux. Au sein même du WWF International, ces accords sont considérés comme honteux par certains responsables, en privé…



L’enquête ne concerne pas la pêche et le Marine Stewardship Council (MSC), premier label lancé en 1995 par le WWF et Unilever. Ce label certifie des pêcheries durables, mais ces pêcheries sont déjà suivies par les services scientifiques et le label ne vient que conforter des pêcheries déjà bien gérées. Certains parlent d’un racket, car il faut payer cher une certification qui est de plus en plus souvent exigée par la grande distribution. Walmart est un des grands soutiens à cette politique et Carrefour vient de s’y mettre en France. La fondation Walmart finance le WWF pour promouvoir ce label. Les organisations de pêcheurs artisans ont pris fortement position contre ce type de labellisation lors de la rencontre de Bangkok en 2008. Des chercheurs considèrent que cette certification renforce les logiques de privatisation : «La certification et l’éco-labellisation privatisent la gouvernance des pêches de plusieurs façons largement méconnues, par la création de nouvelles formes de droits exclusifs et de privilèges dans des situations de gestion commune déjà compliquées par des droits d’accès et de propriété, créant ainsi les conditions de confusions, de conflits mais aussi de coopération ».

Cette certification met les pêcheurs artisans entre les mains de la grande distribution qui contrôle leur accès au marché.

L’environnement et les affaires contre les droits humains.

« Au cas où je me réincarnerais, j’aimerais revivre sous la forme d’un virus mortel, afin de contribuer à résoudre le problème de la surpopulation » Voilà ce que déclarait le Prince Philip, Duc d’Edimbourg, dans une interview en 1988. Il était alors président du WWF, puisqu’il le fut de 1981 à 1996. Il était aussi l’un des fondateurs du WWF en 1961. Une telle déclaration n’est pas un épiphénomène pour le WWF, elle témoigne de l’existence en son sein d’un courant profondément réactionnaire qui se retrouve au plus haut niveau, ce qui explique les choix de l’organisation. Le WWF entretient des relations étroites avec les grandes sociétés multinationales dans de nombreux domaines : la pêche, l’aquaculture, l’huile de palme, le soja, les forêts, etc. Le WWF s’est fait une spécialité dans le développement de dialogues et de tables rondes avec les grandes entreprises, y compris les plus critiquées pour leur mépris de l’environnement. Ainsi le WWF n’hésite pas à collaborer avec Monsanto. Mais cet affairisme, revendiqué au nom d’une amélioration des pratiques de ces puissantes sociétés, va jusqu’à la collaboration avec des groupes et des hommes qui sont les piliers des régimes les plus réactionnaires et dictatoriaux. L’exemple le plus significatif analysé par W Huismann est celui de José Martinez de Hoz. Il a été membre fondateur de la Fondacion Vida Silvestre (FVSA), partenaire du WWF en Argentine. Il est membre influent du WWF international en tant que membre du club des 1001, un club fermé de 1001 membres où figure le gotha des multinationales et des têtes couronnées d’Europe qui financent le WWF. Mais il a été également membre du gouvernement de Videla, comme ministre de l’économie, et il a depuis été condamné pour crimes contre l’humanité. Il a participé à la promotion du soja en Argentine et au développement des OGM. L’autre grand partenaire du WWF a été Hector Laurence, président de FVSA de 1998 à 2008, et représentant de deux filiales de Dupont en Argentine, promoteur du soja OGM. La présence de tels personnages dans les instances dirigeantes du WWF n’est pas un accident. Elle est la manifestation des liens étroits établis par le WWF, depuis sa création en 1961, avec les milieux les plus réactionnaires partenaires des fondateurs. En Afrique du Sud, le WWF est né au sein des milieux défenseurs de l’apartheid. Le premier président du WWF a été le prince Bernhard des Pays-Bas, connu pour son passé nazi et ses liens avec les industriels de l’armement. Les accusations de corruption l’ont amené à quitter la présidence du WWF, il a été remplacé par le Prince Philip…

Malgré ces turpitudes, qui ne sont qu’un échantillon de toutes celles dévoilées par l’enquête de Wilfried Huismann, le WWF reste la meilleure marque environnementale pour réaliser du verdissement à bon compte, et il sait la vendre.

Alain Le Sann
Décembre 2014

^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^

Chili

Le dernier jour de Bachelet. Privatiser le littoral de la mer australe ?

de Franck Gaudichaud, extrait de l'article de Forum des alternatives : Tremblement de terre politique et retour des Chicago boys au Chili

Et s’il fallait essayer d’expliquer pourquoi la Concertation est honnie de toute une partie du mouvement social et critiquée par de nombreux militants de gauche (y compris du Parti socialiste) ; s’il fallait tenter de montrer de quoi le social-libéralisme est-il le nom au Chili, on pourrait alors s’en tenir au denier jour de la présidence Bachelet. Ce 10 mars 2010, c’est avec l’approbation du dernier exécutif de la Concertation qu’est paraphée la réforme de la Loi générale de pêche et d’agriculture. L’objectif ? Tout simplement, venir en aide aux transnationales de saumon d’élevage qui ont inondé les côtes du sud du pays depuis des années et connaissent de graves difficultés. Crise sanitaire tout d’abord, conséquence d’un mode de production aberrant qui a dévasté une partie du littoral à coup de colorant, hormones, antibiotiques, surpêche (pour nourrir les saumons !). Crise économique ensuite. Alors que cette industrie était censée être un des moteurs de l’économie, elle a été engagée sur la voix d’une rentabilité à tout prix, basée sur une exportation de masse aux quatre coins de la planète (Japon, Etats-Unis, UE). Le développement exponentiel d’un virus (virus ISA) a affecté toute la chaîne, et c’est ce modèle d’élevage intensif entièrement dépendant du marché mondial s’est affaissé violemment |3|. Cette « agonie du saumon » a provoqué une chute de la production de plus de 30% entre 2007 et 2008 et le licenciement de milliers travailleurs (plus de 15.000) |4|.

Vues les conditions offertes, en 20 ans, les capitaux ont afflué de toute part, à commencer par la transnationale hollandaise Nutreco (plus grosse productrice mondiale) mais aussi des entreprises norvégiennes, japonaises, canadiennes et espagnoles. Le patronat chilien n’est pas en reste puisqu’il détient 55% de la filière. N’en déplaise aux écologistes et aux pécheurs artisanaux (dont la vie a été ruinée), le Chili est devenu le second producteur de la planète, avec plus de 650 000 tonnes de saumon en 2007 et, en valeur, cette denrée représente le 4° poste d’exportation nationale |5|. Rapidement c’est un véritable lobby du saumon qui a fait son apparition au sein des institutions et de la société civile. Ainsi, alors que le secteur affiche désormais une dette de deux milliards de dollars, la proposition du gouvernement Bachelet a été de garantir le déblocage d’un fonds public de 450 millions de dollars. Les banques restant méfiantes, le projet de loi prévoit aussi une modification des règles de production, un meilleur confinement des poissons, une rotation régulière dans les lieux d’élevage et… la concession de milliers d’hectares de mer et de terre ferme offerte comme garantie hypothécaire auprès des banques ! Comme le rappellent les responsables de la campagne « Sauvons la mer chilienne », « Jamais dans l’histoire aucun pays n’avait permis d’hypothéquer la mer. Ce n’est pas seulement un scandale, c’est aussi le renoncement de notre pays à la souveraineté sur son territoire » |6|. Au lieu de s’inscrire dans le sillage d’Allende qui avait exproprié les grandes compagnies de cuivre (“le salaire du Chili”), le gouvernement Bachelet se sera montré beaucoup moins glorieux aux yeux de l’histoire… |7|

|3| Voir le dossier « Industria salmonera en Chile » de l’OLCA (Observatorio Latinoamericano de Conflictos Ambientales), www.olca.cl/oca/chile/region11/salmoneras.htm.
|4| Darío Zambra B., « La agonía del salmón », La Nación Domingo, 15 mars 2009.
|5| Arnaldo Pérez Guerra, “Chile : Salmoneras, crecimiento a cualquier costo”, 28 août 2003, www.ecoportal.net/content/view/full/21441
|6| Cette loi pourrait d’ailleurs être déclarée inconstitutionnelle puisqu’un recours a été présenté par 34 députés et 12 sénateurs devant le tribunal constitutionnel.
|7| Certains journalistes et militants ont même eu le mauvais gout de faire le parallèle avec le Général Pinochet qui avait lui aussi la veille de son départ, fait passer subrepticement (et en dictature) une loi léonine favorisant les intérêts de l’éducation privée dans le système scolaire du pays.

^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^



Commentaires