En Corée, sélection naturelle du naissain d'huître !

En novembre et décembre 1987, lors d’un séjour en Corée du Sud, quel ne fût pas mon étonnement de voir dans les «hauts» partout autour des baies ostréicoles, des chantiers* de cordées de saint-jacques. A cette époque, les ostréiculteurs coréens ne s’approvisionnaient en naissain que par captage naturel. Actuellement, les écloseries locales en fournissent près de 10%.

Ces « chantiers » de collecteurs me rappelaient ceux de Seudre dans le bassin de Marennes-Oléron, des installations de captage que tout le monde peut observer à marée basse du haut du pont reliant Marennes à La Tremblade. Cependant, malgré leur ressemblance, ces installations n’avaient pas du tout les mêmes fonctions dans les deux régions ostréicoles. D’ailleurs, très vite, je remarquais que dans le pays au matin calme, les collecteurs étaient observables une grande partie de la journée dans une zone où le marnage ne dépassait pas les 6 mètres et que le froid commençait sérieusement à « piquer ».

Naturellement, je m’informais auprès de mon accompagnateur, M. Yin, chercheur au centre de recherche maritime de Pusan, la grande ville portuaire au Sud de la péninsule coréenne. Pendant toute une semaine, j’ai profité de la tournée d’inspection de ce chercheur pour découvrir les différentes facettes de l’élevage d’huîtres dans le bassin ostréicole majeur de Corée du Sud, la région de Chungmu qui produisait à l’époque plus de 150.000 tonnes d’huîtres.

« Durcissement » du naissain naturel

En fait, ces « chantiers » de cordées de saint-jacques n’étaient pas des installations de captage de naissain contrairement à l’estuaire de la Seudre, mais des installations d’entreposage de collecteurs avant leur mise en élevage au printemps suivant. Les collecteurs n'étaient pas entassés, mais à cheval sur leur support en bois.

En Corée du Sud, le naissain d'huître est recueilli à partir de juin jusqu’en septembre. Traditionnellement, les cordées de saint-jacques ainsi que les cordées de coquilles d’huître sont entassées sur des supports en bois dans les zones de captage, des zones qui découvrent 2 à 3 heures à basse-mer. Certains ostréiculteurs utilisent aussi les filières. La densité optimale de captage est de 30 naissains sur une coquille d’huître et de 40 à 50 sur une saint-jacques.

Dix jours après le captage, les collecteurs sont transférés dans les hauts pour la phase de durcissement. Certains préfèrent les transférer directement sur les filières. Cependant, les ostréiculteurs constatent que les taux de survie sont meilleurs après cette période de « durcissement » dans une zone qui découvre de 6 à 8 heures au cours du cycle de marée.

Pendant cette période de durcissement qui se poursuit tout l’hiver, jusqu'en avril-mai, le naissain est régulièrement exposé aux éléments extérieurs au moment de la basse mer ce qui élimine les individus peu vigoureux et en mauvaise santé.

En mai, les petites huîtres « durcies » qui atteignent une taille de 1,5 cm de longueur, sont prêtes pour la phase d’élevage. Les collecteurs avec séparateurs entre les coquilles sont alors fixés sur les filières. A ce moment-là, il reste en moyenne 20 à 30 individus par coquille saint-jacques.

Le retard de croissance lié à cette phase de durcissement est rapidement compensé du fait que les petites huîtres survivantes sont les plus « poussantes » et que le taux de mortalité est plus faible ensuite. Malgré cela, comme nous l'écrivions plus haut, certains ostréiculteurs coréens passent outre cette phase en transférant directement leurs collecteurs sur les filières.

Les huîtres sont récoltées pendant la seconde période hivernale pour être décoquillées. En Corée, les ostréiculteurs ne vendent pas la coquille !
Philippe FAVRELIERE

* Chantier : Socle en bois (mais aussi constitué de tubes métalliques en France) sur lequel les collecteurs sont solidement arrimés.

Autre article :

Pour plus d’informations :

Photographie de la fédération des coopératives d'ostréiculteurs : chantier de collecteurs de coquilles d'huître - phase de durcissement

Pour aller plus loin sur l'endurcissement...

Endurcissement du naissain d’huîtres creuses, Crassostrea gigas par le niveau d’exondation ou la densité d’élevage

Endurcissement du naissain d’huîtres creuses, Crassostrea gigas par le niveau d’exondation ou la densité d’élevage : récapitulatif d’essais conduits entre 2004 et 2007 en rivière d’Auray (56), pour réduire les mortalités estivales.

Joseph Mazurié, JeanFrançois Bouget, Aimé Langlade, Serge Claude

Ifremer Mai 2011

Ce rapport récapitule les essais menés entre 2004 et 2007 pour tenter de réduire les mortalités estivales de naissain de Crassostrea gigas, par les pratiques zootechniques et notamment celle qualifiée d’endurcissement. Il s’agit de prégrossir les huîtres dans des conditions de forte exondation (exondation par coefficient de marée de 3040), avant de les remettre sur parc normal d’élevage au début ou en cours d’été. Plusieurs années de suite, sur le même site en amont de la rivière d’Auray (Bretagne Sud, France), des améliorations de survie très significatives ont été ainsi obtenues. Les meilleurs résultats correspondent à un endurcissement de durée limitée (34 mois, entre mars et juinjuillet), pour lequel le ralentissement de croissance semble pouvoir être compensé une fois les huîtres ramenées au niveau bas d’élevage. Une tentative d’obtenir le même gain en bridant la croissance par une augmentation de densité intrapoche s’est révélée moins concluante. Ces essais méritent d’être testés ailleurs et dans les conditions de mortalités plus violentes observées depuis 2008.

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