Certification de la perche du Nil avant qu’il ne soit trop tard !

Alors que la situation des pêcheries de perche du Nil est au plus mal dans le lac Victoria, l’organisation allemande « Naturland » vient de certifier « durable » les produits issus de la région ouest tanzanienne du lac.

Après avoir dévoré les autres poissons, la perche du Nil est sur le point de disparaître à son tour du lac Victoria, victime de son immense succès à l'exportation et de la surpêche qui en a résulté. Chaque année, les usines de traitement de poisson d'Ouganda, de Tanzanie et du Kenya exportent environ 70 000 t de perches du Nil, essentiellement vers l'Europe, pour une valeur de 182 millions de dollars. En Ouganda, le nombre d'usines avait doublé de 2000 à 2006. Mais depuis, la moitié a dû fermer ses portes, car il n'y a plus assez de poissons. Face à cette situation, les usines de la région qui ont survécu se sont fédérées et refusent d'acheter aux pêcheurs toute perche de moins de 50 cm. La région du Lac Victoria connaît une croissance démographique effarante : la population double tous les dix ans. Voir la suite dans Syfia : Ouganda : Lac Victoria, la perche du Nil, prédateur sur le déclin.


Les principaux pays européens importateurs de Perche du Nil capturée par les trois pays riverains du Lac Victoria : Kenya, Ouganda et Tanzanie, avant l'effondrement de la production en 2006
Source : Globefish


Un label durable pour la perche du Nil pêchée du côté ouest du lac Victoria !

Naturland, une association d’agriculture biologique allemande qui regroupe plus de 50 000 membres en Allemagne et dans le monde entier, intervient aussi dans les activités halieutiques. L’aquaculture biologique et la pêche « durable ». La particularité de cette organisation par rapport à d’autres organismes certificateurs, est que Naturland attribue la même importance aux questions sociales qu’aux questions technico-biologiques dans son expertise.

Elle vient d'annoncer que la Perche du Nil du Lac Victoria est certifiée « durable » et que les produits de cette région porteront dorénavant l'écolabel de l'organisation. La certification couvre 8 sites de débarquement de la région ouest du lac et concerne environ 1000 pêcheurs en Tanzanie. Les critères de certification reposent sur une pêche orientée vers l'exportation, une pêche à petite échelle et une industrie de transformation conforme aux standards sanitaires. Le cahier des charges comporte un volet social, garantissant notamment des prix équitables pour les pêcheurs.

Dans le cadre d'une gestion globale des ressources halieutiques du lac Victoria, il serait important de mettre en place des mesures qui concernent l'ensemble des pêcheries du plus grand lac africain. Philippe FAVRELIERE (avec l'aide des actualités du Collectif Pêche et Développement)

Autre article :

Pour aller plus loin :

Commentaire : Quel est l’impact des exportations de poisson sur la sécurité alimentaire des populations riveraines du lac Victoria ?
La certification apposée sur le poisson exporté constitue une « sécurité » pour le consommateur européen, mais pas une sécurité alimentaire pour les populations ougandaises, kényanes et tanzaniennes.

Voir l’article de Wambi Michael dans IPS : Même les têtes de poissons sont maintenant inabordables

Le commerce illégal et la surpêche sur le lac Victoria ont entraîné des pénuries de poissons en Ouganda, au Kenya et en Tanzanie. De grandes quantités de poissons non traités et illégalement commercialisés, notamment la perche et le tilapia du Nil, peuvent être en train de trouver leur chemin vers des marchés d’exportation de l’Union européenne (UE).

La diminution du poisson le plus commercialisé du lac, la perche du Nil, fait monter également les prix au niveau local, ce qui menace les moyens d’existence de près de 40 millions de personnes en Afrique de l’est….

L’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie ont exporté des tonnes de perche du Nil vers l’Europe. Les exportations de poisson ont, en termes de recettes d’exportations, dépassé des cultures commerciales telles que le café et le coton.

La surpêche de la perche du Nil dans beaucoup de réceptacles du lac a été condamnée ainsi que beaucoup de pêcheurs utilisant de mauvaises méthodes de pêche. L’Ouganda possède plus de 20 usines de poisson exportant annuellement plus de 30.000 tonnes de poissons, faisant entrer des recettes extérieures intéressantes de 150 millions de dollars chaque année.

Cependant, cela a atteint un prix, puisque les exportations massives ont conduit à la rareté du poisson et le prix augmente sur le marché local. Plus de 10 usines autour du lac Victoria ont fermé et les 25 restantes tournent en dessous de leur capacité, selon l’Organisation des pêches du lac Victoria (LVFO), basée à Jinja, en Ouganda….

Il y a déjà une crise alimentaire marquée par l’augmentation des prix des denrées à des niveaux qui ne sont pas abordables pour beaucoup.

A Kampala, la capitale de l’Ouganda, un kilogramme de perche du Nil, qui coûtait environ 0,5 dollar, coûte actuellement 3,50 dollars. Beaucoup de personnes ont dû recourir aux têtes et arêtes de poisson vendues dans les usines de poisson après que le filet de poisson a été retiré pour l’exportation vers l’UE.

Mais actuellement, même la peau du poisson, les arêtes et la tête - communément appelées mugongowazi (en swahili "personne à dos ouvert ou sans chair") - commencent par devenir rares parce que des commerçants ont découvert de nouveaux marchés pour ces produits en République démocratique du Congo, en République centrafricaine et dans le sud du Soudan.

Mugisha Kanywani, porte-parole au marché de poisson de Gaba et au site de débarquement sur le lac Victoria, a reconnu que le commerce des arêtes, de la peau et des têtes de poisson avec des pays voisins prospère alors que des locaux ne peuvent plus acheter ces produits.

"Parlez moins de mugongowazi! Même ces peaux, enroulées, sont de bonnes nourritures pour des Congolais et les gens au Tchad. Nous avons de l’argent maintenant. Ne voyez-vous pas comment nous avons construit (développé) cette zone?", a-t-il dit dans un entretien avec IPS… Voir le texte intégral IPS

Le 20 février 2010

La "méchante" perche du Nil est à son tour menacée d'extinction dans le lac Victoria (Le Monde)
La perche du Nil a mauvaise réputation depuis Le Cauchemar de Darwin, le documentaire d'Hubert Sauper sorti en 2004. Coupable de tous les maux selon la thèse - controversée - du réalisateur (destruction de l'environnement, exploitation des populations locales par l'industrie d'exportation, développement de la prostitution et du trafic d'armes), l'"antipathique" animal se retrouve aujourd'hui victime de surpêche.
"Il y avait 654 000 tonnes de poisson dans le lac en 2006 contre 310 000 aujourd'hui, explique Brian Marshall, de l'Organisation des pêches du lac Victoria, qui réunit les trois pays riverains (Kenya, Tanzanie, Ouganda). Si on ne met pas un terme à la surexploitation, la perche sera menacée, et ceux qui en tirent leur revenu également."….

Le 24 février 2010

Perche du Nil : comment contrer le cauchemar de Darwin ? (Novethic)
Depuis le documentaire « Le Cauchemar de Darwin », la perche du Nil n'a pas bonne presse dans l'opinion publique. Mais au lieu de renoncer à l'exploitation de ce poisson dont dépendent les populations vivant autour du Lac Victoria, des acteurs européens de la pêche préfèrent développer une filière plus responsable. Un projet très complexe.
Alors que l’exploitation de la perche du Nil est largement critiquée, continuer sa commercialisation est-elle responsable ? La question taraude encore de nombreux distributeurs et organisations. En 2005, en effet, la diffusion du « Cauchemar de Darwin », un documentaire qui faisait la lumière sur les ravages environnementaux et sociaux de l’exploitation de ce prédateur exotique dans la région africaine du lac Victoria, secoue plus de 500 000 spectateurs français (voir article lié). Le relais médiatique est tel que beaucoup de consommateurs s’en détournent et certains distributeurs vont tout simplement arrêter de commercialiser le poisson, comme le montre la baisse des exportations sur l’année 2005. D’autres, notamment au sein de la Responsible fishing alliance (RFA) qui regroupe plusieurs distributeurs, vont réfléchir à d’autres solutions.

« A l’époque, nous n’avions qu’un circuit sporadique de perche du Nil de l’ordre de 5 tonnes par an, explique Séverine Heyman, responsable de la qualité produits de l’entreprise de restauration Elior, membre de la RFA.... Voir la réponse des Grandes Enseignes....

Le 29 juin 2010

Afrique : "Aider les petits pêcheurs à pêcher moins et à gagner plus" (IPS)
Les mesures sanitaires et phytosanitaires constituent un casse-tête pour les exportateurs africains de poissons, mais l’aide au commerce peut aider les petits pêcheurs à répondre à ces normes.

Les produits de pêche provenant des pays africains, des Caraïbes et du Pacifique sont de plus en plus confrontés à des normes et exigences liées à la qualité telles que la traçabilité du poisson, selon Yann Yvergniaux de la Coalition des accords de pêche équitables (CAPE). "La solution est de s’assurer qu’une valeur maximale soit ajoutée. 'Pêcher moins, gagner plus’ est le slogan avec lequel des bénéfices socio-économiques seront obtenus", a-t-il ajouté. La CAPE est une organisation non gouvernementale basée à Bruxelles qui s’occupe de la réforme politique de l’UE (Union européenne) sur la pêche commune. L’UE possède le plus grand marché de poissons au monde.

Le secrétaire exécutif de l’Organisation des pêches sur le Lac Victoria (LVFO), Dick Nyeko, pense qu’il est possible d’ajouter de la valeur aux produits de pêche en provenance de l’Afrique. La LVFO est une organisation intergouvernementale qui gère les parts des ressources de pêche du Lac Victoria.

Le Lac Victoria, le plus grand lac d’Afrique, est partagé entre le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie. L’industrie de pêche sur le lac fait des recettes de 600 millions de dollars par an, dont 350 millions proviennent des exportations. Les activités de pêche fournissent des moyens de subsistance à deux millions de personnes, et de poissons à 22 millions de consommateurs. Nyeko soutient que "les petits pêcheurs peuvent participer à la mondialisation s’ils répondent aux exigences du marché telles que l’étiquetage et les mesures sanitaires et phytosanitaires. La plupart des pays en développement combattent encore ces mesures. Mais si vous y arrivez et qu’ensuite vous travaillez dur, vous pourrez satisfaire aux exigences". Nyeko dirigeait l’autorité ougandaise chargée de la sécurité de l’exportation des produits de pêche pendant l’interdiction imposée par l’UE sur la perche du Nil à la fin des années 1990. Il a parlé de son expérience à Genève le 16 juin, en tant qu’invité du Centre international pour le commerce et le développement durable, une Organisation non gouvernementale (ONG) travaillant, entre autres, sur la pêche et l’aide au commerce.

L’Ouganda a beaucoup souffert sous deux interdictions de l’UE: la première, en 1997, a suivi une prétendue découverte de salmonelle dans les produits à base de poisson du Lac Victoria et la déclaration du choléra en Afrique de l’est. Cette interdiction, qui a été levée en 1998, n’était pas fondée sur une preuve scientifique, mais plutôt sur ce que l’UE appelle "des mesures insuffisantes appliquées par l’autorité compétente pour contrôler la déclaration du choléra". La seconde et plus longue interdiction a été imposée en avril 1999 après que l’Ouganda a notifié à l’UE qu’il ne pouvait pas garantir que les poissons ne posaient pas un problème de sécurité. Cette interdiction a été officiellement levée en août 2000 lorsque l’UE a reconnu que l’Ouganda a mis en place les garanties exigées pour la sécurité de ses exportations et qu’il avait rempli les conditions requises pour exporter des poissons vers l’UE.

Les barrières d’interdiction du commerce sont considérées comme l’un des principaux obstacles aux exportations des pays africains. Parmi celles-ci, les exigences sanitaires font partie des plus difficiles à surmonter. L’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) permet aux pays de mettre en place des normes pour assurer la sécurité et la santé de leurs citoyens, de leurs animaux et de leurs plantes….

Commentaires

Caroline Leclerc ,M.Sc, Canada a dit…
J'ai toujours en mémoire le film la cauchemar de Darwin (est un film documentaire de Hubert Sauper de 2004) lorsqu'on me parle de la perche du Nil.
J'ai beaucoup de difficulté à à concevoir que cette pêcheries a pue être certififiée durable. À mon sens elle est tout sauf durable...