Le Livre Vert, pour quelle pêche européenne ?

«88% des stocks européens de poissons sont surexploités » voilà ce qu'on peut lire dans un document adopté le 22 avril par la Commission européenne. «A l'heure du Grenelle de la mer, de la crise du cabillaud dans le Nord Pas-de-Calais et de l'ouverture de la pêche au thon, la Commission a produit un avis critique sur les dysfonctionnements en matière de politique des pêches». Le livre Vert pour la réforme de la Politique Commune de la Pêche est ouvert à consultation jusqu'au 31 décembre 2009. Pêcheurs, associations, mais aussi citoyens intéressés sont invités à communiquer leur point de vue. La Commission européenne s'appuiera sur les résultats pour proposer un nouveau règlement au Parlement et au Conseil européens, pour une adoption en 2012.

Dans un Livre vert, la Commission européenne souligne les manquements de la politique commune de la pêche et propose de «responsabiliser» les industriels. C'est l’occasion pour Bruxelles d’amorcer la réflexion sur cette politique communautaire qui provoque de vifs débats dans certains Etats membres, y compris en France.

Le document, attendu depuis plusieurs mois, souligne les «carences» de la politique communautaire de la pêche en vigueur en Europe depuis 2002. Aussi les auteurs soulignent-ils «cinq défauts structurels» de la PCP. Le premier concerne «un problème fondamental de surcapacité des flottes». «La flotte européenne demeure bien trop importante par rapport aux ressources disponibles», souligne le texte.

Le Livre vert reconnaît également que les objectifs de la PCP, fixés en 2002, ont été trop «imprécis», engendrant des décisions et des applications nationales «insuffisantes». De plus, la Commission admet que le système promu dans l’ancienne PCP encourage des décisions prises à court-terme, et ne responsabilise pas assez l’industrie. Enfin, Bruxelles souligne une mise en œuvre insuffisante de la part des industriels du secteur.

Derrière la question de la responsabilisation des industriels de la pêche se profile en fait le retour sur le devant de la scène des quotas individuels transférables (QIT). Ce système, évoqué depuis longtemps mais jamais mis en œuvre dans le cadre de la PCP, consiste à donner aux pêcheurs le droit de céder leurs propres quotas à d’autres pêcheurs. Les QIT se vendraient alors sur un marché spécifique. Ainsi, un pêcheur qui ne disposerait pas d’un quota suffisamment important pourrait en acheter. En théorie, l’Etat ou l’Autorité de gestion des quotas pourrait alors se comporter comme acheteur ou vendeur de QIT, à des fins de régulation.

Situation des pêcheries gérées par le système des Quotas Individuels Transférables (QIT) - le nombre indiquant la quantité des espèces concernée

«L’utilisation d’instrument du marché comme les quotas transférables serait une technique efficace et moins chère pour réduire la surcapacité de la flotte européenne, et responsabiliser l’industrie», précise le texte.

La France est traditionnellement défavorable à ce système. Paris considère en effet que les quotas individuels transférables (QIT) favoriseraient la concentration des autorisations de pêcher dans les mains de grands industriels, au détriment des pêcheurs les plus fragiles. De leur côté, les pêcheurs français, regroupés au sein du Comité national des pêches, ont indiqué leur intention d'envoyer une réponse à la Commission européenne. Le Comité devrait proposer à ses membres de réfléchir à la question au sein de «groupes de travail thématiques», comme cela avait été le cas en 2006, afin de rédiger leur réponse à un Livre vert précédent sur l'avenir de la politique maritime de l'UE.

Après avoir synthétisé les réponses, Bruxelles devrait ainsi émettre une proposition de règlement entre fin 2010 et début 2011. Le texte, qui sera définitivement adopté en 2012, entrera en vigueur en 2013. (Source : EurActiv)

La leçon du passé

Réformer les quotas, tout le monde est pour, tant le système actuel a montré ses limites. Mais l'intention est-elle si louable ?
Début 2008 à Boulogne-sur-Mer, Nicolas Sarkozy prend tout le monde à contre-pied en déclarant vouloir en finir avec les quotas. Deux crises de cabillaud et quelques blocus de ports plus tard, personne ne lui donne tort. Mais entre l'intention française et le système prôné par quelques libéraux à Bruxelles, entre les « pays amis des pêcheurs » dont fait partie la France et les « pays amis du poisson » dont beaucoup n'ont même pas de frontière maritime, les pêcheurs artisans du Nord de la France risquent de se sentir floués. Car qui dit « quotas individuels transférables » dit le risque de voir une nouvelle monnaie d'échange se mettre en place au profit des grosses pêcheries. C'est d'ailleurs l'intention affichée de Bruxelles de réduire la flottille communautaire, surdimensionnée à ses yeux. En oubliant certes un peu vite que la pêche structure le littoral. Qu'un emploi en mer, c'est quatre à cinq emplois à terre. Et qu'en envoyant des chalutiers à la casse, on prend le risque de voir grossir la file d'attente des chômeurs à l'ANPE. Personne n'a oublié à Boulogne que l'arrêt définitif de la pêche pélagique au hareng en 1976 a supprimé plus de la moitié des entreprises de salaison de Capécure. Un scénario dont personne ne veut aujourd'hui pour le cabillaud. • B. S (La Voix du Nord)

Premières réactions

Comité Local des Pêches Maritimes du Guilvinec - Les QIT à marche forcée
par René-Pierre Chever
Deux événements concomitants, même s’ils procèdent d’une logique différente, démontrent que la mise en place des QIT (Quotas Individuels Transférables) ne sont plus une vue de l’esprit : d’une part l’offensive de Bruxelles contre la surpêche avec les QIT comme solution miracle et d’autre part la prochaine mise en place de quotas individuels pour la pêcherie de langoustine du Golfe de Gascogne, sous couvert des OP dans ce cas précis. Suite...

Pas de "quotas individuels monnayables"- Le ministre français s'est dit opposé à la libéralisation du secteur par l'attribution de "quotas individuels" négociables que les marins pêcheurs pourraient revendre au plus offrant, idée avancée par Bruxelles pour responsabiliser le secteur et contribuer à réduire la flotte de pêche. "Je dis oui aux quotas individuels s'ils sont administrés, si l'on préserve la responsabilité publique, mais je dis non à des quotas qui seraient monnayables, à toute forme de marchandage", a déclaré M. Barnier. "C'est un 'niet' catégorique sur les quotas individuels transférables", a renchérit le président de la délégation de pêcheurs, Pierre-Georges Dachicourt. Le représentant des pêcheurs a néanmoins jugé qu'il y avait "de bonnes choses" dans le Livre vert de la Commission, comme la proposition de mieux prendre en compte le point de vue des professionnels sur la réalité du terrain, et pas seulement les avis des "scientifiques".

Le WWF-France salue un "Livre vert sans concession". "Le Livre vert présenté aujourd’hui par la Commission Européenne est le fruit d’une enquête sans concession sur les manquements de la PCP en matière de gestion des pêches ayant conduit à une importante surpêche", estime l'association dans un communiqué.

De leur côté, les écologistes de Greenpeace estiment que le Livre vert apporte un éclairage sur les axes à développer avant l'adoption de sa quatrième réforme prévue en 2012. « Nous avons touché le fond : nous devons réduire la capacité de la flotte européenne ainsi l’effort de pêche. L’adoption d’une approche ecosystémique doit être mise en place pour permettre la création d ‘un réseau de réserves marines couvrant 40% de la surface des océans», estime le chargé de campagne Océans de l'association, François Chartier.

Pour plus d'informations :

Des Assises de la Pêche prévues fin mai début juin

Pour la sole, le ministère négocie "tonne par tonne" des échanges de quotas avec d'autres pays "qui permettront de repêcher dans les temps qui viennent", a ajouté M. Barnier. Michel Barnier a aussi annoncé le lancement fin mai ou début juin d'"Assises de la pêche", afin de préparer avec les "professionnels du secteur, les élus, les pouvoirs publics et les organisations de protection de l'environnement" une "position concertée de la France" sur les projets de réforme de la politique européenne des pêches, dont la Commission a donné le coup d'envoi hier en présentant un "Livre vert" sur la pêche. (AFP)

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Rapport Frankenstein. Diagnostic de la pêche communautaire

Rapport Frankenstein. Document interne de la Commission destiné à préparer la réforme

Diagnostic, en 393 pages, du secteur de la pêche communautaire à ce jour (également appelé, de manière informelle, le « Rapport Frankenstein ») Non publié officiellement.

Commission staff working document

A Diagnosis of the EU fisheries sector

This Commission Staff Working Document was prepared to back up and clarify the Green Paper on the Reform of the Common Fisheries Policy (COM(2009) 163 final of 22.04.2009).

Sector development and CFP instruments

Draft

This paper has been compiled by the Commission services and is intended to back up and clarify the Green Paper - Reform of the Common Fisheries Policy (COM(2009) 163 final of 22. 04. 2009). Its contents thus cannot be construed as reflecting or pre-empting the European Commission's definitive views or positions on the subject matters in issue. The European Commission cannot be held responsible for any use which might be made of the information contained therein.

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Commentaires

LBS a dit…
Bonjour, vous auriez pu mettre le lien vers votre principale source... !

C'aurait été plus correct...et plus légal.

http://www.euractiv.fr/environnement/article/bruxelles-lance-reflexion-future-politique-peche-ue-001604