Europe : Vers une amélioration des ressources halieutiques ?

Les ressources halieutiques dans les eaux européennes se portent mieux à l'image du cabillaud dont le quota de pêche en Mer du Nord est en augmentation de 30%.
Pourtant, certain journaliste titre encore "Les poissons européens menacés de disparition". Tout le monde s'accorde sur le fait que les rejets en mer sont encore trop importants.


Les poissons européens menacés de disparition

BRUXELLES, 22 décembre (IPS) - Les gouvernements de l'Union européenne ont une étrange façon de se préparer à Noël : ils se chamaillent sur le poisson.

Chaque année en décembre, les ministres en charge de la Pêche se réunissent à Bruxelles pour renégocier la manière dont il convient de pêcher et fixent le nombre maximum de poissons à retirer des mers et des océans au cours des 12 mois suivants. Les mises en garde scientifiques sur l'état périlleux de nombreuses variétés sont systématiquement ignorées dans le but d'apaiser les groupes de pression qui craignent les conséquences néfastes pour les communautés côtières si leurs niveaux de capture sont limités. Cette tradition politique a, cette année aussi, été respectée. En mai dernier, la Commission européenne a averti que 88 % des stocks marins dans les eaux de l'Union sont surexploitées, comparativement à une moyenne de 25 % dans le reste du monde. Bien que la politique commune de l’UE relative à la pêche ait été réformée en vue de protéger les stocks les plus vulnérables, aucune amélioration tangible n’a été constatée dans les eaux européennes au cours des cinq dernières années. « La situation des stocks de poissons européens continue d'être alarmante », estimait déjà Joe Borg, Commissaire européen de la Pêche à l'époque.

Parmi les mesures préconisées par Joe Borg, on pouvait lire un arrêt temporaire de la pêche pour le cabillaud, l'églefin et le merlan dans les eaux profondes à l'ouest de l'Ecosse. Mais suite d'intenses pressions exercées par les hommes politiques britanniques, qui craignent une interdiction du chalutage puisse mettre à mal le commerce lucratif des espèces comme la langoustine et la baudroie, l’interdiction de pêcher a été évitée grâce à un accord approuvé par les gouvernements de l'UE le 19 décembre. Par conséquent, le poisson blanc peut toujours être capturé quoique en quantité plus réduite par rapport aux années précédentes. En dépit du désaveu partiel de son propre plan, Borg s’est déclaré satisfait de l'issue de la réunion. L'accord, estime-t-il dit, assure « le total respect des programmes de reconstitution pour les espèces surexploités » et ajoute que l’Union va « continuer à travailler pour une politique de pêche durable dans nos propres eaux. La décision d'aujourd'hui est un pas de plus dans cette voie. ». Les militants écologiques ne sont pas aussi optimistes.

Les données de la Commission européenne indiquent que les quantités maxima de pêche fixées par les gouvernements de l'UE sont en général d’environ 48 % plus élevées que celles recommandées par les scientifiques. Le Fonds mondial pour la nature (WWF) se déclare préoccupé par cette tendance dévastatrice qui semble se poursuivre avec certaines espèces. Plus spécifiquement, le WWF note qu’une augmentation de 15 % dans le quota de merlu austral a été fixée alors que les scientifiques ont déjà fait savoir que le niveau des captures pour cette espèce doit être ramené à zéro. « Chaque année, le cirque des quotas de pêche se joue de la même manière », déplore le porte-parole du WWF Aaron McLoughlin. « Nous devons changer cela si nous voulons préserver les précieux stocks de poissons et la variété de la vie marine. » Le porte-parole regrette que les quotas ne prennent pas vraiment en compte le montant total de poissons enlevés de la mer. En effet, les poissons qui sont rejetés dans la mer parce qu'ils sont jugés trop ou pas assez commercialement prisées ne sont pas comptabilisés dans les quotas. Par exemple, en 2007, les pêcheurs travaillant dans la mer du Nord ont retiré 24.000 tonnes de cabillaud, mais ils en ont rejeté quelque 23.000 tonnes. Pour McLoughlin, la question des déchets doit également être abordée dans le cadre de la poursuite des réformes de la politique commune de la pêche. « Les ministres européens en charge de la Pêche et la Commission européenne ont systématiquement organisé un échec dans la gestion de la politique de pêche. S'ils veulent être sérieux pour assurer la prospérité et la durabilité de la pêche pour l'Europe, ils doivent travailler pour mieux gérer la grande quantité de rejets », estime le porte-parole de WWF.

Pour compenser l'épuisement des stocks dans ses propres eaux, l'UE est devenue le plus gros importateur de poissons dans le monde. Avec plus de 4 millions de tonnes l'année dernière, le montant importé dans l'Union équivaut à 77 % du total des captures de la flotte européenne. Oceana, un autre groupe de défense de la nature, a fait valoir que la grande capacité de l'UE à importer autant de poissons a pour but de détourner l'attention du triste état de ses propres stocks. « C'est un cercle vicieux qui n’a aucun sens », a déclaré Ricardo Aguilar, le directeur du groupe de recherche. « Afin d'augmenter la rentabilité pour le secteur, les quotas de pêche irresponsables sont accordées. Ce qui ne fait qu’empirer la situation pour les stocks déjà surexploités. Ceci en dépit du fait qu'il n’y a quasi plus de poissons à pêcher. » Saskia Richartz, militante de Greenpeace, estime que les gouvernements de l'UE « légitimisent la surexploitation malgré toutes les mises en garde scientifiques ». « Réduire les quotas de pêche n'équivaut pas à pénaliser les pêcheurs », ajoute-elle. « C’est une mesure nécessaire pour assurer qu'il y aura des poissons en vie dans la mer. C'est le seul moyen de récupérer la ressource et garantir l'avenir des emplois dans le secteur de la pêche. »
David Cronin
Source : IPS

Accord européen sur les quotas de pêche 2009

Les ministres de la pêche de l'Union européenne ont trouvé un accord, vendredi 19 décembre, sur la répartition des quotas de pêche de 2009, "adopté à l'unanimité", selon le ministre de la pêche français Michel Barnier. Le principal enjeu de l'accord réside dans les quotas de pêche du cabillaud, une espèce considérée comme menacée.

Pour la première fois depuis longtemps, les quotas de capture de ce poisson vont fortement augmenter en mer du Nord, ainsi qu'en Manche est (+ 30 % par rapport à 2008). "Le plan de reconstitution" du cabillaud, mis en place sur le long terme par l'Europe, "commence à fonctionner", a expliqué le commissaire européen à la pêche, le Maltais Joe Borg. En contrepartie, dans ces zones, des mesures sont prévues pour réduire les rejets de poissons en mer par les pêcheurs, avec des filets et engins de pêche plus sélectifs, notamment, et l'obligation pour les chalutiers de quitter des zones considérées comme trop sensibles. Les ONG estiment que la moitié des poissons capturés en mer en moyenne y sont immédiatement rejetés, parce qu'ils ne sont pas assez grands ou qu'ils ne correspondent pas aux espèces recherchées.

Des négociations apaisées

Dans la plupart des autres zones maritimes de l'Atlantique concernées par l'accord, les quotas de cabillaud seront en revanche de nouveau en forte baisse en 2009, avec une réduction de 25 % en moyenne, conformément à ce que demandait la Commission européenne. Le cabillaud est une espèce peu migrante, l'état des réserves pouvant donc fortement différer d'une zone à l'autre. Parmi les autres décisions prises, les quotas d'aiguillat (petit requin) vont baisser de 50 % (au lieu d'une fermeture demandée par Bruxelles). Dans le golfe de Gascogne, la France a obtenu de ramener la réduction du quota de langoustines à 5 %, contre 15 % proposé au départ. En revanche, la fermeture de la pêche à l'anchois dans le golfe de Gascogne, en vigueur depuis quatre ans, est maintenue.

Les négociations ont été beaucoup plus paisibles cette année que par le passé. Les ONG font notamment valoir qu'avec le temps, les pêcheurs se montrent plus responsables dans la gestion des ressources, ce qui facilite les négociations. "Nous avons trouvé ce point d'équilibre, toujours très difficile, dans un bon climat entre le souci de la gestion responsable et durable des ressources halieutiques fragiles, et celui de l'activité des marins pêcheurs qui mérite d'être encouragée", a dit M. Barnier.

Crédit photographique : AFP/MARCEL MOCHET

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